Beaucoup d’entre nous seraient embarrassés si on leur demandait ce qu’il y a de commun entre une chemise Benetton et une pièce de rechange pour char d’assaut roulant dans le désert iraquien. La réponse n’a guère de chance de les éclairer: RFID ou Radio Frequency Identification. Il s’agit en fait d’étiquettes électroniques qui permettent de repérer l’objet auquel elles sont accolées et d’en suivre les déplacements. Benetton vient d’en commander 15 millions pour ses produits. Leur utilisation massive par les forces armées états-uniennes est une part essentielle de la « révolution dans les affaires militaires » chère au Pentagone.

San Francisco, Californie, 26.mar.03

Il s’agit d’une sorte d’étiquette composée d’un microprocesseur qui enregistre les données relative à l’objet en question acollé à une antenne radio qui les communique. Elles sont régulièrement scannées et les informations sont gardées dans des bases de données accessibles de partout dans le monde. L’objectif pour les militaires est d’atteindre ce qu’ils appellent « total asset visibility », la visibilité totale des ressources.

Selon le Federal Computer Week, magazine spécialisé dans l’utilisation des technologies de l’information par le gouvernement, le Pentagone gère plus d’un quart de million de containers qui circulent entre 400 locations dans plus de 40 pays. Et le FCW ajoute: « Les officiers savent maintenant exactement l’endroit où se trouve une cargaison entre l’usine et la tranchée et ils peuvent même rediriger des containers vers d’autres directions en fonction d’urgences nouvelles. »

Dag Ericsson, professeur suédois de e-logistics explique: « La logistique c’est fondamentalement le fait de livrer la quantité et la qualité adéquates de marchandises, à l’endroit adéquat, au moment adéquat. D’un point de vue militaire, la logistique est définie comme « l’art concret de déplacer des armer et de les ravitailler. »

Prises dans leur ensemble les Technologies d’Identification Automatique (TIA) permettent de saisir automatiquement les données concernant produits et personnes et de les intégrer dans un système informatique capable de les localiser à chaque instant pour mieux les utiliser. Installé au Massachusetts Institute of Technology et financé par les plus grosses entreprises le Auto-ID Center s’intéresse à une palette de dispositifs incluant codes barre, cartes intelligentes, reconnaissance vocale et optique, biométrie et RFID, pour ne citer que les plus importantes.

La vraie difficulté consiste à gérer ces données en temps réel, ce qu’un des organismes militaires responsables, le Product Manager for Automatic Information Technology explique ainsi: « Les TIA introduisent des efficacités de systèmes informatiques en ayant recours à des standards et de technologies qui assurent l’interopérabilité, non seulement à l’intérieur de Département de la Défense, mais aussi avec nos partenaires commerciaux, et permettent de grantir ainsi un flux constant de marchandises. » Cela permet de gagner du temps et de gâcher moins de matériel

On peut lire dans un document officiel du Commandement des États-Unis pour les transports installé dans la base Scott dans l’Illinois que pendant la première guerre du Golfe « 40% des containers arrivant sur le théâtre d’opérations devaient être ouvert pour déterminer leur contenu et leur destination finale. » Le chiffre n’était plus que de 10% en Afghanistan. En Irak, les soldats qui reçoivent du matériel se contentent de scanner l’étiquette des containers avec un appareil appelé « interrogateur » pour savoir ce qu’ils contiennent.

Pris dans son ensemble, le dispositif n’est autre que l’application à l’art de la guerre de la gestion en flux tendus. Les militaires sont d’ailleurs allés s’inspirer d’entreprises comme Swatch, Caterpillar ou Dell. Le dialogue est naturel, comme le confirme cette phrase de Fred Smith, PDG de Fedex, “La maîtrise de la logistique est aussi vitale pour l’économie digitale qu’elle ne l’était pour l’extraordinaire succès de l’Empire romain. » Le professeur Ericsson lui fait écho quand il affirme: « l’art-science de la logistique a été fondamental au succès des nations qui ont cherché à agrandir leur territoire au cours des siècles. »

Toute la difficulté pour les militaires c’est qu’à la complexité rencontrée par les entreprises il faut ajouter l’incertitude propre à tout conflit.

Federal Computer Week

Dag Ericsson

Product Manager for Automatic Information Technology

United States Transportation Command

Auto ID Center au MIT

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...