Google a réponse à tout, ce qui l’a propulsé au rang enviable de « moteur de recherche le plus populaire de l’internet », mais il se rappelle toutes les questions que nous lui posons ce qui commence à inquiéter les défenseurs des libertés civiles.

San Francisco, Californie, 17.avr.03

On a déjà beaucoup parlé du cookie qui permet de nous reconnaître à chaque visite, de chercher des réponses à nos questions seulement dans les langues que nous avons sélectionnées et d’afficher le nombre de résultats par page qui nous convient. À côté de cela, qui est bien commode, Google identifie notre adresse IP, c’est à dire pratiquement l’endroit d’où nous nous connectons ce qui peut être très utile pour la publicité.

Les 10.000 serveurs de Google lui permettent de garder en mémoire nos questions, l’heure et le jour auxquels elles ont été formulées et les sites que nous choisissons de visiter parmi ceux qu’il suggère. « Si je sais quelles questions vous avez posé à Google hier, je peux fournir une assez bonne description de ce que vous pensiez hier, » nous a déclaré dans une entrevue par mèl Daniel Brandt, responsable de Google Watch qui suit de près les faits et gestes de la compagnie.

La Toolbar que les plus futés ajoutent à leur navigateur pour poser leurs questions sans passer par la page d’accueil de la compagnie permet également de savoir tous les sites nous visitons et de les garder en mémoire. Or cette mémoire est considérable. Le cookie « immortel » est valable jusqu’en 2038, et, selon Brandt, « Google conserve [ces] données indéfiniment. »

La toute puissance de Google préoccupe aussi les petits entrepreneurs dont le chiffre d’affaire dépend de plus en plus souvent du classement obtenu sur ce site de référence. La plupart des usagers se contentant de consulter les premiers résultats, en être exclus fait figure de condamnation.

C’est tout le fonctionnement de Google qui est en cause. Le détail des algorithmes est gardé aussi secret que la formule de Coca-Cola mais on sait que PageRank (nom de la technologie en question) établit la valeur d’un site sur la base du nombre de liens qui y renvoient. Tout lien permettant d’aller d’une page A à une page B est interprété comme un vote de A pour B. PageRank pondère les résultats en donnant une importance plus grande aux votes provenant de sites eux-mêmes importants et n’indexe pas toutes les pages d’un site ce qui défavorise les plus profonds.

Avec ce système, estime Daniel Brandt, « les riches deviennent plus riches ». PageRank renforce la logique des réseaux qui conduit à la concentration du trafic autour de quelques sites fortement connectés. Selon Brandt, la position monopoliste de Google qui draine les trois quarts des questions posées aux moteurs de recherche, « toute la structure de la toile devient plus rigide ».

Pour briser cette rigidité, certaines entreprises ont recours (entre autres) à des « link farms », des pages remplies de liens renvoyant à leur site pour en améliorer le classement. Quand il détecte une telle manœuvre, Google déclasse le site ce qui entraîne parfois des actions en justice de la part des sociétés impliquées, On en trouve la liste sur le site ChillingEffects.org. Mais tout indique que Google poursuivra dans ce sens car les déclassés n’ont plus d’autres ressources, s’ils dépendent du trafic internet, que de louer un espace publicitaire sur Google pour figurer en haut de page.

La toute puissance de Google commence à inquiéter. Daniel Brandt va particulièrement loin quand il nous affirme « Google semble avoir une partie de l’état d’esprit de Bill Gates; ils semblent s’être lancés dans la course pour la domination mondiale ».

Le très respectable Wall Street Journal reconnaît l’existence d’un problème, mais les dirigeants de Google ne sont guère coopératifs. , Serguei Brin, un des deux membres fondateurs, a refusé de répondre aux questions du New York Times (concernant l’usage des données recueillies sur les usagers) ni de C|net (sur l’élimination d’un site fondamentaliste chrétien anti-avortement ou de patériel pro nazi sur Google. fr et Google.de).

Le raisonnement est toujours le même, Google est trop important – il répond à 200 millions de questions par jour en provenance de plus de 100 pays – pour qu’on ne s’intéresse pas à ses pratiques. Brand demande que les moteurs de recherche soient déclarés d’utilité publique. Cela a peu de chances de réussir. Mais les voix exigeant une plus grande surveillance se font entendre de plus en plus clairement.

La plupart de ceux qui ont approché les dirigeants de Google les trouvent honnêtes et ne sont pas trop inquiets. Mais la puissance de cette entreprise qui peut faire ou défaire le moindre site implique sans doute qu’on suive leurs pratiques de près et qu’eux-mêmes acceptent qu’ils ont une responsabilité qui va au-delà de leur succès commercial.

Le verbe to google (googler) fait maintenant parti du vocabulaire quotidien aux États-Unis selon la American Dialect Society. Il a été choisi comme un des mots les plus représentatifs de 2002 avant le mot blog (journal personnel en ligne) et juste après « Weapons of mass destruction » (armes de destruction massive).

Google Watch

Chilling Effects

American Dialect Society

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...