Je suis à une conférence qui se tient pour deux jours à Stanford sur le thème « journalisme d’innovation ».

Le thème devrait, selon les organisateurs, devenir une spécialisation comme d’autres, en raison de l’importance de l’innovation aussi bien dans le domaine de l’économie que de la technologie. Il s’agit d’une proposition suédoise qui cherche à intégrer dans une seule spécialité les multiples facettes du processus le plus important du développement économique.

David Nordfors, organisateur de la conférence la formule ainsi :

« Innovation Journalism focuses on the process of technological innovation, covering all the technical, business, legal and political aspects of innovation and innovation systems. »

Je trouve l’idée intéressante mais je ne peux me retenir de faire les commentaires suivants:

  • M’adressant au grand public je choisis parfois d’attendre que la tendance soit confirmée. Je sers de filtre et je l’assume. Je parle de l’innovation quand elle commence à « prendre » et que mes lecteurs doivent savoir ce qui se prépare pour l’adopter ou pour peser sur les débats que cela suscite.
  • Fusionner affaires et technologies pour pouvoir parler plus tôt de tout ce qui mijote peut conduit très vite à faire le jeu d’entreprises qui filtrent des infos sur des produits qui ne sont pas encore prêts pour préempter des parts de marché.
  • L’innovation qui compte c’est celle qui intègre affaires, technologie ET société. C’est en effet l’usage qui façonne l’évolution des technologies, le succès des entreprises et même la façon dont les journalistes rendent comptent de ces phénomènes. Le meilleur exemple de cela c’est ce qui se passe avec Open Source dont les implications couvrent les trois domaines.
  • On peut se spécialiser dans l’innovation (économique, technologique et sociale) et s’interroger sur l’impact en fonction du moment où on en parle. Il faut également prendre en compte la dimension spatiale : que se passe-t-il en termes d’innovation au niveau planétaire ?
  • Je pense enfin qu’on ne peut pas poser la question du journalisme d’innovation sans s’intéresser aux formes et modalités changeantes de notre profession. Je me limiterai à deux observations : les blogs donnent plus de liberté pour parler des « signaux faibles » (concept clé pour rendre compte d’innovations). Ils permettent de prendre plus de risques (on peut rester plus discret sur les sources, exprimer plus librement ses opinions, etc.). Le « journalisme comme conversation » (entre bloggers et entre les journalistes et leur public) permet de jeter un immense filet sur les signaux faibles. La formule selon laquelle « mes lecteurs en savent collectivement plus que moi » de Dan Gillmor devrait s’appliquer ici : « en matière d’innovation, mes lecteurs savent toujours avant moi ce qui va se passer ».

    Le « journalisme d’innovation » vous paraît-il une idée intéressante. A quelles conditions ?

  • J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...