Par Wangxiang Tuxing

Second Life est moins une deuxième vie qu’une extension de la « première » permettant de jeter un regard différent sur tout ce qui s’y passe et ce que nous y faisons.

C’est mieux qu’Alice au pays des merveilles. Plus besoin de courir pour rester à la même place ou de devoir courir au moins deux fois plus vite pour se déplacer… Dans Second Life, vous pouvez voler et vous téléporter instantanément d’un endroit à un autre.

Démarré en 2003 par la société californienne Linden Lab, c’est un monde virtuel en trois dimensions entièrement créé et possédé par ses résidents. C’est un univers nouveau et, contrairement à Mars ou Jupiter, c’est un monde humain, profondément humain, qui prolonge de façon extraordinaire nos possibilités et nos sensibilités.

Aujourd’hui, Second Life est déjà un vaste territoire avec une activité sociale et créative très intense. Il y a une multitude d’endroits attrayants, de lieux de discussions, de centres de formation, d’expositions et de projets.

Plus j’explore, plus je découvre, et plus les possibilités me paraissent énormes. J’adore visiter des endroits pittoresques où des créateurs ont développé des paysages fantastiques et des constructions audacieuse.

Sur l’île de Svarga imaginée et réalisée par Laukosargas Svarog, des nuages apportent de temps en temps la pluie, des plantes poussent et se reproduisent. On peut observer des insectes et attirer des oiseaux en déposant quelques graines sur le sol. C’est aussi un lieu d’attractions sur lequel on peut jouer des instruments de musique et consulter des oracles.

Parmi les projets innovants, j’apprécie particulièrement l’écosystème de vie artificielle créé par l’Ecosystem Working Group, ou le gigantesque simulateur de réalité virtuelle construit sur Commonwealth Island par Stephane Zugzwang. C’est un cirque de montagnes au dessus desquelles se trouve une plate-forme avec un « tableau de bord » qui permet de choisir le paysage des alentours.

La Confédération des Simulateurs Démocratiques de Neufreistadt est un État virtuel gouverné démocratiquement et qui, à l’image d’un pays réel, s’est doté d’une citoyenneté, d’une constitution, d’un corps de lois, d’une institution judiciaire, d’une assemblée représentative élue et d’un gouvernement. Ce concept de citoyenneté ou de nationalité virtuelle ne pourrait-il pas un jour prendre le pas sur nos nationalités « réelles » ?

Sur Second Life, l’intelligence artificielle permettra sans doute bientôt de donner à notre avatar une autonomie de dialogue et d’exécuter pour nous certaines missions. Des prototypes (chat bots) existent déjà, comme celui développé par Navillus Batra et Anthony Reisman. A quand le jour où nos avatars seront capables de penser par eux-mêmes…?

J’ai commandé dans Second Life une île de 65.000 m2 qui me sera livrée vers la fin de l’année. Pas encore de plans précis, mais déjà plein d’idées en têtes. Il va d’abord falloir former le terrain, y disposer des rivières et des cascades, planter des arbres et établir quelques constructions. Ensuite, on s’attaquera à des projets plus ambitieux.

Aujourd’hui, Second Life possède sa propre économie et une monnaie virtuelle, le Linden Dollar, avec un cours de marché par rapport au dollar US, comme une vraie devise. Le commerce y est florissant et les grandes entreprises de la vie réelle commencent à s’y intéresser sérieusement. Le territoire s’étend sur une centaine de k2 et sa croissance se poursuit à un rythme très élevé. Les résidents, c’est nous : des avatars façonnés selon notre volonté, qui se déplacent et interagissent à travers nous. Le cap des 1 million a été franchi en octobre 2006, et celui des 2 millions va l’être dans les prochains jours.

Pour moi, il ne fait pas de doute que Second Life préfigure ce que seront les échanges et les modes de communication de demain.

Le Web d’aujourd’hui, ce n’est encore, au fond, que de la « paperasse virtuelle » se limitant largement à répliquer sur Internet des documents papier, des brochures, des catalogues et des formulaires. L’audio et la vidéo y ont fait, c’est vrai, leur apparition. Mais demain, le Web sera un univers interactif en 3 dimensions sans solution de continuité avec notre monde réel. Le mérite en reviendra largement à Second Life et aux pionniers qui ont commencé à l’explorer, à le conquérir et à le créer.

Explorateur de Second Life, Wangxiang Tuxing tient un journal de ses expériences dans ce nouveau monde, un blog que nous pouvons tous lire dans celui-ci . Je l’ai découvert parce qu’il avait laissé un commentaire sur Transnets. J’ai suivi la piste et je l’ai invité à vous parler des espaces qu’il y trouve pour satisfaire son goût de la poésie, de la nature et des nouvelles technologies. Outre ce que je lis, je ne connais de lui (d’elle?, d’eux?) que son identité sur SL: Wangxiang Tuxing. Il estime que c’est déjà beaucoup. Comment pourrais-je reconnaître l’importance du phénomène et ne pas l’accepter?

[Les images m’ont été fournies par Wanxiang Tuxing]

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...