La séparation n’est, pour le moment, que temporaire (jusqu’à la fin juin, pour raisons de santé, si l’on en croit la lettre écrite mercredi par Jobs lui-même à ses employés ) mais elle pourrait fort bien durer.

stevejobs07-08-wsj-ap.1232008212.png Le doute est permis, ne serait-ce qu’au vu de la lettre précédente envoyée à peine 9 jours plus tôt. Il s’y disait victime d’ un «déséquilibre hormonal» au traitement simple (straightforward). Il reconnaît aujourd’hui que son état de santé est «plus complexe» pour ne pas dire plus grave. Digits, un blog du Wall Street Journal évoque des hypothèses carrément dramatiques .

Il ne s’agit pas d’une surprise pour autant. L’annonce de sa non-apparition au Macworld ne pouvait s’expliquer que comme ça et j’avais noté que sa lettre laissait la place à une aggravation possible . Pour une fois, je regrette d’avoir bien lu.

C’est sur cette base que se développent deux types d’inquiétudes froides, c’est à dire non inspirée par le drame de l’homme et de sa famille.

La première est affaire de perception mais pourrait faire des ravages à court terme. Il est maintenant difficile de faire confiance à ces communiqués officiels d’une entreprise spécialisée dans le secret extrême. Jobs ne révèle la vérité qu’à reculons, en en disant toujours moins que ce qui se passe vraiment. Conséquence: on ne peut que douter de ce qu’il dit aujourd’hui la main sur le cœur. C’est dur à dire quand l’homme est sérieusement malade, mais c’est le message qu’il transmet, sans doute involontairement.

Convaincu que les informations données étaient «trompeuses» (misleading) John Carney y voit même une source d’éventuels procès . La lettre d’il y a neuf jours avait fait monter les actions d’Apple. Celle de mercredi (annoncée après la fermeture de Wall Street) a entraîné une chute de 10%.

Peu importe si c’est une erreur.

«Vous êtes un imbécile si vous vendez vos actions d’Apple demain» (aujourd’hui pour ceux qui lisent ce billet) peut-on lire sous le clavier de Robert Scoble. Il fallait les vendre la veille ou attendre en faisant confiance au fait qu’il a mis en place «la meilleure équipe» et qu’elle va faire des étincelles.

La deuxième inquiétude, celle de fond, concerne le futur d’une compagnie qui compte parmi les plus prospères. Elle valait 75 milliards de dollars il y a 24h et les bénéfices réalisés l’an dernier se sont élevés à près de 5 milliards.

Tout le problème est qu’aucune autre société de cette taille ne dépend autant de son patron . Tim Cook (qui le remplace provisoirement) est un type sérieux. L’équipe assemblée par Jobs est de très bonne qualité. Les fauteuils du conseil d’administration sont occupés par des gens du calibre d’Al Gore, l’ancien vice-président des États-Unis et d’Eric Schmidt, patron de Google. Mais cela ne suffit sans doute pas.

Jobs est un paranoïaque génial dont l’obsession du détail et le génie inventif ont contribué par deux fois à faire de l’entreprise créée par lui en 1976 une des marques les plus populaires au monde.

«Steve Jobs is Apple» est une des formules les plus fréquentes dans les innombrables articles écrits ces derniers jours sur le sujet est. Elle est sûrement exagérée, mais elle renferme tout le problème

«Toute personne qui pense que Steve Jobs est Apple a tout intérêt à regarder Apple comme Apple sans Steve,» écrit l’analyste Mark Anderson dans un courriel envoyé aux abonnés de son Strategic News Service .

Son génie est aussi une méthode de travail, une façon d’aborder l’innovation dans le domaine des technologies de l’information, de comprendre, de devancer ce que les utilisateurs attendent. Et je suis sûr qu’il en restera quelque chose. Mais quoi?

Vous avez peut-être des idées là-dessus…

[Illustration du billet de Digits , blog du Wall Street Journal et faite avec des photos d’Associated Press]

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...