lan_house-cjbnet.1299344849.jpgCe qui suit sont les notes à partir desquelles j’ai enregistré la semaine dernière mon billet hebdomadaire pour l’Atelier des Médias sur RFI avec Ziad Maalouf.

Q – Tu nous parles depuis Recife dans le nordeste brésilien. Qu’as-tu vu dans ce pays en termes de TIC?

Avant Recife, je suis allé à Rio et Brasilia, invité par l’agence responsable du développement. A Rio, entre autres choses j’ai visité une LAN House dans la favela de Santa Marta . Les LAN Houses sont des points d’accès privés (des sortes de cyber cafés) avec une poignée d’ordinateurs et des connexions à l’internet. Il y en a 100.000 environ (les chiffres varient) et 34% des internautes brésiliens passent par là pour se connecter. Le tarif est de 2,5 reais de l’heure c’est à dire un peu plus d’un Euro.

Cadre tout différent à Rio où j’ai visité le centre informatique du Banco do Brasil, une très grosse banque même au niveau international. Ce qu’il faut savoir c’est que dans ce pays les élections et le recensement sont intégralement informatisés.

Le Brésil fait un gros effort pour encourager l’innovation mais l’essentiel va à l’agriculture et à l’énergie pour maintenir la position de pointe du pays. C’est le 2ème exportateur mondial d’aliments et une de ceux dont la matrice énergétique est la plus propre (48% vient d’énergies renouvelables).

Q – Comment font-ils pour développer les TIC?

Ils s’efforcent de développer deux grands axes: l’inclusion sociale et digitale et le haut débit

L’inclusion (c’était un des termes préférés du gouvernement de Lula) est d’abord sociale. Elle a consisté à sortir 28 M de personnes de la pauvreté en 10 ans. Il y a aussi des politiques spécifiques un peu dispersées comme la création de telecentros avec ordinateurs, accès et formation gratuits mais les jeunes préfèrent les LAN houses où ils peuvent participer à des jeux.

Un autre axe du gouvernement est le développement des lignes à haut débit. La pénétration au Brésil est relativement basse. Il s’agit en fait de faire un gros effort d’infrastructure et d’essayer de susciter la concurrence car les télécoms ne sont pas intéressées. Les connections sont très chères ou simplement absentes.

Je crois qu’ils ont plus de mal qu’ils ne veulent bien le dire, notamment dans l’inclusion digitale, mais, ce double effort de justice sociale et de déploiement technologique me semble faire partie de ce qu’on peut appeler le modèle brésilien

Q – Qu’entends-tu par modèle brésilien?

Nous en reparlerons peut-être la semaine prochaine si tu veux car je n’ai pas fini mon voyage mais j’en retiendrais, pour le moment, deux points.

D’une part, il y a ce que je viens de dire sur l’inclusion sociale. Un des hauts fonctionnaires que j’ai pu rencontrer m’a affirmé qu’il préférait une croissance de 5% par an avec réduction des inégalités sociales à une croissance de 9% avec accroissement des inégalités. Le Brésil a cru à 7.2% en 2010

D’autre part je suis frappé, sans doute en raison de l’histoire du pays, par le fait qu’ils tendent à adopter presque systématiquement des solutions mixtes que j’ai envie d’appeler, bien évidemment métisses.

Deux exemples prises ailleurs mais symboliques: les prises électriques permettent de recevoir aussi bien des appareils européens qu’américains. Presque toutes leurs voitures aujourd’hui peuvent fonctionner à l’essence et à l’éthanol, au choix du conducteur, en fonction des prix du marché.

Au niveau politique Lula est un ancien militant ouvrier qui a pris grand soin des capitalistes, tout en sortant beaucoup de pauvres de la misère.

J’aime bien cette adoption systématique de solutions métisses ouvertes. Seul le temps nous dira si c’est vraiment un modèle.

[Photo trouvée sur acyberlan.cjb.net ]

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...