Winch5 est donc la quête des innovations venues d’ailleurs avec l’espoir de nous ouvrir à ce qui se fait de plus intéressant dans le monde. L’idée m’en est venue après avoir compris que Silicon Valley s’essoufflait. C’est peut-être temporaire mais c’est indiscutable.

La cause la plus souvent avancée est que les entrepreneurs n’y sont plus intéressés que par l’argent. Ils ont oublié l’autre moitié de ce qui a fait le succès de la région : la volonté de changer le monde. Disons, pour être plus réalistes, la volonté de faire bouger quelque chose.

Xavier Niel et Jacques-Antoine Granjon à LeWeb11/ Photo Flickr de LeWEB11

Avec le goût de l’hyperbole propres aux professionnels des relations publiques et de la communication, Carmine Gallo en a joliment parlé à la conférence LeWeb11 qui vient de se tenir à Paris. Steve Jobs conseillait, a-t-il rappelé, de « Put a dent in the universe », que l’on peut traduire à peu près par « Laissez votre marque (celle de vos dents?) dans l’univers ». Mais tout le monde n’est pas maître Steve et entre modifier le cours des planètes et ne penser qu’à s’en mettre plein les poches il y a une marge – faire quelque chose d’utile – dans laquelle nombre d’entre nous pouvons figurer.

Bloqué que je suis après ma récente opération j’ai regretté presque autant que de ne pas voyager de n’avoir pu assister à LeWeb11. Mais j’ai suivi une partie des débats en streaming et j’ai été séduit une fois de plus par la qualité de l’événement, des présentations, des invités, des sujets abordés et le rythme imposé, en douceur, par Loïc Le Meur. Un vrai plaisir. La rencontre de l’Europe et des États-Unis reste stimulante.

Et pourtant, l’attribution du prix de la meilleure startup m’a gêné. Des trois candidates en lice pour le dernier tour l’une, Heycrowd.com, offre une application pour faire voter les membres de vos réseaux sociaux sur n’importe quoi. La seconde, Babelverse.com, développe une plateforme de crowdsourcing de traductions en toutes circonstances. La troisième, Beeinto.com, est un système pour partager les apps qui nous plaisent, avec une couche de social gaming pour nous encourager à le faire.

Les jurés, tous hommes d’affaires européens, presque tous Français ont en bonne logique d’investisseurs choisis la dernière entreprise, celle qui offre les meilleures perspectives économiques. Ils étaient là pour ça et ont fait la preuve qu’ils ne se laissent pas berner par le chant des sirènes qu’il est de mode d’entonner à Silicon Valley, l’idée que tous les entrepreneurs doivent « changer le monde ». Ils ont, hélas, cédé au vieux réflexe des VC les plus ordinaires: la recherche du profit maximum le plus rapidement possible. Ils ont évité les risques.

Babelverse est pourtant une startup qui pourrait faciliter les échanges. La barrière des langues est une des plus réelles (notamment sur le net), une de celles auxquelles on se heurte le plus souvent. Celle qui nous empêche de bien communiquer avec les autres, de partager rêves, visions et réalisations.

Je regrette que le dernier mot soit revenu à la logique des financiers tout en espérant que ça nous aide à comprendre que plus les financiers pensent à leurs sous, plus l’esprit Silicon Valley se drape de grands et beaux principes qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre.

Qu’est-ce que ça veut dire?

Qu’il serait dangereux de copier le modèle Silicon Valley alors qu’il s’essouffle. Il serait également dommage de tout rejeter quand on comprend qu’ils n’agissent pas comme ils nous disent de faire. L’univers n’est pas une pomme dans laquelle il faut laisser la marque de ses dents.

Par contre, le monde a plein de problèmes auxquels nous pouvons tous nous attaquer, que ce soit avec un but lucratif ou non. Ce qui compte c’est de faire avancer le schmilblick. C’est, en tous cas, la leçon que je tire de mon voyage africain où tous les gens que j’ai interviewé m’ont affirmé qu’innover c’est résoudre un vieux problème avec des solutions nouvelles.

[Crédit photo : LeWeb11 sur Flickr]

 

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...