A Beyrouth, les connexions à l’internet sont si mauvaises qu’on ne peut qu’en rire… avant de protester. Il y a un an environ, un libanais plein d’humour acide a écrit un post en anglais qui disait « Oh My God, Liban tu est numéro un » sur la liste mondiale du débit de téléchargement… à condition de commencer par la fin.

J’ai effectivement trouvé le NetIndex de la société Ookla pour laquelle, il y a un an, le Liban était le 172ème et dernier pays derrière la Zambie, le Swaziland et la Bolivie. La connexion avec un câble sous marin de très haut débit qui relie l’Inde à l’Europe a permis une brève amélioration. Le Liban est passé au 160ème rang, entre le Lesotho et l’Ouganda. Mais, selon Liliane Assaf, activiste du groupe Ontornet.org qui lutte pour obtenir de meilleures connexions : « La situation s’est brièvement améliorée puis nous sommes revenus aux mauvaises connexions. » Ce qu’un autre de mes interlocuteurs appelle « du progrès avec le hoquet ».

Ontornet est un jeu de mot dans lequel Ontor veut dire attendre… le net. Et, pour que les choses soient claires, le logo « @Y » représente un escargot. Assaf qui travaille dans le marketing pour moteurs de recherche a des motivations simples : « Nous avons besoin de bonnes connexions. Celles que nous avons sont insupportables. Travailler dans de telles conditions est épuisant et nous perdons des clients. »

Le secret d’Ontornet a consisté « à ne pas mentir » explique Abir Ghattas, une autre des 6 membres actifs (don 4 femmes) du groupe qui a un site, un canal YouTube, un compte Twitter et une page Facebook. « Nous avons publié des articles, des études, des enquêtes sérieuses, des comparaisons de prix qui nous ont donné de la crédibilité. En fait nous avions des sources à l’intérieur du ministère et chez un des opérateurs de télécom qui nous aidaient à vérifier la qualité de nos informations. »

Contraint de les reconnaître comme interlocuteurs, le gouvernement les reçoit et les télés les invitent dès qu’elles abordent le sujet. « C’est la première fois qu’un groupe de gens normaux [apolitiques] a pu rencontrer le ministre de la communication de deux gouvernements successifs, » assure Ghattas. « Et une fois devant lui nous n’avons pas adouci notre propos. Nous avons enregistré les conversations et les avons mises en ligne. Même chose avec les opérateurs. Ça a montré aux Libanais que ces outils du net sont utiles pour des causes réelles. »

C’était aussi une stratégie pour contourner les partis et forces traditionnelles.

« Nous avons fait très attention de bien indiquer que nous n’étions pas politiques, que nous ne voulions pas nous aligner sur un parti ou sur un autre, » ajoute Assaf. Nous disons « le ministre » sans dire son nom car quand on attaque quelqu’un on attaque son parti or nous voulons que ça soit une cause pour tous les Libanais. Nous n’accusons personne en particulier, nous ne nommons personne. »

Comme toujours avec ce genre d’initiative le mouvement qui a servi à sensibiliser une partie de l’opinion, les ministres et les médias est « bien moins actif aujourd’hui qu’au début » reconnaît Liliane Assaf.

Mais j’en viens à me demander si ça n’est pas une bonne chose si ça n’est pas la première qualité des mouvements qui se refusant à faire de la politique politicienne parviennent à réunir des énergies dispersées et à faire avancer des causes que les forces traditionnelles ignorent trop volontiers.

C’est en fait une autre façon de faire de la politique, ce qu’Abir Ghattas reconnaît quand elle me confie: « Je suis jalouse de tous ces soulèvements qui se multiplient dans le monde arabe. J’envie mes amis égyptiens, tunisiens, du Yémen, du Bahreïn et d’ailleurs. »

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...