Starbucks n’a plus qu’à bien se tenir. Café Coffee Day, une chaîne indienne de 1300 cafés est à ses trousses. Les variétés sont différentes mais la qualité du café qu’on y boit est comparable. L’avantage, paradoxal quand on se rappelle que le quartier général de la chaîne américaine se trouve à Seattle, pas loin de Microsoft, va bientôt provenir de l’usage des technologies de l’information par la nouvelle venue. Un authentique cas d’école.A la tête du projet on trouve Rajeev Suri, ancien responsable du marketing d’Infosys, le géant de Bangalore. Désireux de sortir du statut d’employé, il a trouvé de l’argent pour investir à côté du patron de CafeCoffeeDay.com dans une nouvelle entreprise baptisée LiqwidKrystal.com avec laquelle il entend bouleverser les cafés de toujours. Il s’appuie pour cela sur trois tendances fortes des TIC : écrans multi tactiles, réseaux sociaux et ce qu’il appelle « mobilité plus localisation » que je préfère appeler « mobiquité ». « Exactement ça », m’a-t-il confirmé avec le sourire.Bel exemple de ce que l’innovation est toujours affaire d’assemblage original d’éléments existants, il a eu l’idée d’installer des tables interactives. Seul problème au moment de se lancer dans l’aventure, la table et plateforme de référence, Surface de Microsoft, coûtait 24.000 dollars. Beaucoup trop.Restait la possibilité de réduire les coûts. La production industrielle étant de plus en plus modulaire il n’est pas nécessaire de fabriquer soi-même. Il suffit, comme pour un bon repas, de faire son marché et de se procurer les ingrédients nécessaires avant de les assembler.Sa première tentative a donné une table à 12.000 dollars avec un écran non multi tactile. La seconde version lui a permis d’arriver à une table à 800 dollars dont l’écran – multitouch cette fois – est « à peine moins bon » que celui de Surface. Suffisant cependant pour se lancer (toutes les innovations commencent par être moins performantes que ce qui existe) tout en travaillant à la troisième version qui sera encore moins chère et bien meilleure.Il va les déployer dans la chaine au rythme de 3 ou 4 par mois à partir de début juin sous le nom de WINT « What an interesting table ». Elles permettront de jouer avec ses voisins, draguer ceux ou celles de la table d’à côté et se connecter au reste du monde.Mais la plus grande ambition de ce projet – il faut attendre pour en juger les résultats – tient au bouleversement du modèle de revenus.Suri distingue les « modèles d’affaire linéaires, dont la croissance dépend des ressources physiques, » et les modèles « non linéaires : quand le marché est virtuel. » Dans un café traditionnel, le revenu dépend du nombre de consommations et donc du nombre de tables. Mais ses WINTs lui permettent de transformer chaque table et chaque consommateur en média et de monétiser le trafic ainsi engendré en prenant sa dime à chaque fois. »Un million de consommateurs (aisés) passent chaque jour par les cafés Coffee Day, » explique Suri. « Mais je peux avoir des centaines de milliers de transactions par table si je parviens à obtenir le même type d’engagement qu’avec des jeux. » Cela va de la consommation de médias sur place à la commande d’objets ou de services livrables ailleurs. Il envisage le lancement de films de Bollywood sur ses WINTs ou la multiplication de séries transmédias.On peut être sceptique mais il a de quoi monter ses tables à bas prix, se soumettre au test du marché, étendre son modèle au monde entier tout en pariant sur la croissance exponentielle de ses revenus. La devise de la chaine est « Il peut toujours se passer quelque chose autour d’un café »… même en Inde plutôt connue pour ses thés.

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...