Photo / Francis Pisani
C’est à Saïgon-Ho Chi Minh Ville que j’ai rencontré un des plus beaux exemples de l’esprit d’entreprise qui anime les diasporas créatives omniprésentes dans le monde de l’innovation (voir plus bas). Vincent Mourou et Samuel Maruta, deux français installés depuis plusieurs années, ne fabriquent pas de téléphones mobiles ni ne produisent de logiciels hyper efficaces. Ils prospèrent sous l’enseigne « Faiseurs de chocolat » avec un « gusto » comme on dit en musique, qui fait plaisir à entendre (et à goûter).Disclaimer : par souci de transparence je dois d’abord avouer – je dis bien avouer – que, chocoholique invétéré, j’ai tout de suite adoré celui qu’ils produisent et que – outre celles que je leur ai achetées – ils m’ont fait cadeau de quelques tablettes.Leur histoire se lit comme un cas d’école vraiment sympa.S’emmerdant dans ce qu’ils faisaient ils ont commencé, chacun de leur coté, par parler autour d’eux de leur envie de faire « autre chose ». Il se trouve qu’un copain, ingénieur agronome, leur a parlé des réserves insoupçonnées des cacaotiers vietnamiens.Ils ont eu envie d’aller voir. En moto.« Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? » se sont-ils demandés au retour de leur première expédition. Réponse naturelle : ils se sont mis à moudre des graines. « Sans nous en rendre compte nous nous sommes retrouvés en train de produire du chocolat, » m’ont ils raconté.Pour cela il leur a fallu – et c’est sans doute leur seule « innovation technologique » transformer une machine indienne à moudre les lentilles en moulin à cacao. Jean-Baptiste Say, inventeur du terme, n’a-t-il pas dit que l’entrepreneur « déplace des ressources » pour les utiliser de façon plus efficace, alors que Joseph Schumpeter dit qu’une innovation est une « nouvelle combinaison ». Nous y sommes bien.Son passé de publicitaire avait enseigné à Vincent que pour entreprendre avec succès il fallait une histoire, un produit et du packaging. Vous êtes en train de lire leur histoire.  J’ai dit que leur chocolat est bon (il a été choisi parmi les « espoirs du salon du chocolat » qui vient de se tenir à Paris début novembre où je les ai revus). Quant au packaging, il est fait de très beaux dessins, d’un emballage en papier or qui s’ouvre sur le dessus (enfin) et qui révèle à l’intérieur, des formes diagonales sans le moindre rapport avec les carrés de tous leurs concurrents. Steve Jobs s’occupant de chocolat n’aurait pas fait mieux.
Photo / Francis PIsani
Mais leur plus grande innovation est sans doute leur nouvelle vie, la passion avec laquelle ils s’y sont lancés et les recompositions auxquelles ils ont du procéder. En cela ils ne sont guère différents de Nandu Madhava, et de Vir Kashyap deux enfants d’émigrés indiens venus lancer leurs startups à Bangalore, loin des grandes écoles de la côte est des États-Unis où ils avaient fait leurs études. Il ne s’agit que d’un exemple car j’en ai rencontré plein de ces jeunes qui vont se faire une autre vie ailleurs et contribuent avec leur créativité, artistique, technologique, entrepreneuriale aux innovations du lieu où ils résident.Lancé par Richard Florida, professeur étatsunien enseignant à Toronto, le terme de « classe créative«  fait référence, au sens large, à tous ceux qu’on appelle les travailleurs du savoir depuis les médecins jusqu’aux avocats en passant par les professeurs. Le noyau central va des ingénieurs aux artistes en passant par ceux qui travaillent dans les médias. Ils se consacrent, selon Florida, « à résoudre des problèmes mais aussi à en trouver ». C’est bien pour cela qu’ils jouent un grand rôle dans l’innovation.Il se trouve que ces gens là voyagent plus que d’autres, se déplacent et s’installent un peu partout dans le monde qu’ils contribuent à faire bouger. C’est pour ça que je parle de « diasporas créatives ».J’y reviens très vite avec d’autres exemples et quelques réflexions sur leur rôle en matière d’innovation.Afficher Pisani Winch 5 sur une carte plus grande

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...