« En renforçant la connectivité, le mobile entraine l’économie africaine vers un écosystème dominé par les services et l’éloigne d’une culture agraire, mais il le fait en contournant le stade de la fabrication industrielle que les réformateurs africains « ont passé tellement de temps à essayer d’atteindre dans les années 1950 et 1960 ».

Cela favorise la multiplication des micro-services sans toucher les grandes entreprises. « Les sociétés de location de voitures n’ont pas à maintenir des points de réception. Le travail est assez peu cher pour qu’elles envoient un chauffeur récupérer le véhicule. Votre coiffeur peut venir chez vous quand vous le souhaitez. Il suffit d’un coup de fil. »

Mais il y a « très peu de projets informatiques mobiles à grande échelle […] Les infrastructures ont besoin d’être hackées », c’est à dire détournées de ce pourquoi elles ont été conçues par les geeks et les entrepreneurs sociaux.

  • Joël Nlepe- entrepreneur camerounais qui vient de rentrer à Douala après avoir travaillé pour Microsoft à Paris

Joël croît à l’émergence d’une industrie africaine des appareils électroniques (hardware). « Par exemple, des tablettes et téléphones mobiles sont fabriqués au Congo par VMK Tech et au Nigeria par le EncipherGroup. Le camerounais Arthur Zang a, pour sa part inventé Cardiopad, une tablette médicale à écran tactile. » Venant d’Afrique du sud, le Ubuntu Edge aspire à devenir un super téléphone qui devient PC quand on le connecte à un écran extérieur.

Originaire d’un pays dont une partie de la population a comme langue coloniale l’anglais et l’autre le français, Nlepe explique la différence de dynamisme entre l’Afrique anglophone et la francophone par « une question d’éducation, d’environnement et d’exposition au risque. En Afrique anglophone il y’a une conscience collective favorable à la réussite entrepreneuriale contrairement au monde francophone ou il y a beaucoup de salariat ».

  • Karim Sy, fondateur et animateur des Jokkolabs, espaces de coworking installés à Dakar, Saint Louis, Nanterre, Ouagadougou et Bamako

Pour Karim Sy, la différence entre ces deux Afriques est « clairement culturelle. Elle se doit à la lourdeur de l’État qui, dans l’Afrique francophone, est peu ouvert à soutenir le secteur privé voir même à des approches public-privé. On y favorise les ONG qui sont parfois opposées à l’entrepreneuriat social très peu compris. La culture de entrepreneuriat est plus ancrée en zone anglophone. »

La raison principale pour laquelle le mobile change l’Afrique tient à « la rupture avec les approches top down et aux possibilités d’empowerment permettant de contourner la lourdeur des politiques qui peuvent bloquer le développement. Le retard de l’Afrique peut être sa chance de devenir le continent qui inventera un nouveau modèle de croissance inclusif et durable…si les politiques se réveillent. Le défi sera de canaliser cette énergie créatrice porté par la jeunesse pour qu’elle soit maitrisée contrairement à ce que l’on observe dans les printemps arabes. »

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...