Ville intelligente et ville participative : comment concilier les deux ?

J’ai eu la chance d’assister à la 3ème édition du « Smart City Expo World Congress » du 19 au 21 novembre à Barcelone. Ce congrès mondial des villes intelligentes se donne pour but de repenser le système traditionnel de la ville à travers le prisme de la durabilité et des technologies.

Mais si le concept de « ville intelligente » provoque un grand engouement en ce moment, il dissimule aussi des initiatives dont il est essentiel de débattre afin de ne pas reproduire certaines erreurs du passé et de replacer le citoyen au cœur de son environnement.

J’ai pu remarquer, paradoxalement, une parfaite illustration du fait que nous avons un problème avec le concept de « smart city » ou « ville intelligente » tel qu’il est utilisé aujourd’hui.

Prenons deux exemples :

  • Lors d’un panel sur les solutions mobiles Maria Serrano (Schneider Electric) a présenté une solution séduisante de mobilier urbain. Son argument principal: 1 dollar US investi dans les solutions intelligentes par la ville de Dallas = économies de 20 dollars en coûts opérationnels. Mais il faut d’importantes bases de données pour bien gérer les informations qui en résultent. Ce qui la conduit à préciser: « Nous avons besoin de savoir tout ce qui se passe et c’est une vraie obsession pour nous car nous avons investi beaucoup d’argent. »

  • Juste après elle, le portugais André Martins Dias (société CEIIA) nous a expliqué qu’il « croît à l’intégration de toutes les dimensions de la ville sur une seule plateforme. » Ça conduit à peu près à la même chose.

Nous sommes donc très loin de ce qu’on pourrait appeler une « citizen centric smart city », c’est à dire une ville intelligente dont les citoyens seraient le centre.

Mais le panel sur la « co-création des villes » s’est efforcé d’aborder la question de façon plus ouverte.

Anthony Townsend, auteur du livre Smart Cities, a fait remarquer que:

  • Dans les modèles que sont Songdo ou Masdar (les villes créées à partir de rien en Corée et à Abu Dhabi) « il n’y a pas de pauvres, ce qui ne reflète pas la réalité des villes. »

  • « Tout ce qui concerne les villes peut être expliqué en termes de collaboration et de réseaux sociaux. D’où il conclue qu’ « une cité qui ne collabore pas meurt ».

  • C’est au Britannique Peter Madden que revient le mérite d’avoir posé le problème dans les termes les plus clairs. « Il y a une tension entre intelligence et participation » a-t-il commencé par expliquer avant de préciser : « Il va sans dire que nous voulons l’intelligence, mais je ne veux pas que ma vie soit réglée par des algorithmes. Je veux savoir ce que l’intelligence peut faire pour les citoyens.

Il en tire trois conseils aux constructeurs de smart cities :

  • « Adoptez la complexité que la technologie proposée pour les villes intelligentes, tend à simplifier »

  • « Innovez de façon collaborative car aucune organisation ne peut aborder seule la complexité d’une ville »

  • « Partez de l’utilisateur et du citoyen. C’est une question de design. »

  • De cette « double révolution », Richard Florida (professeur américain qui enseigne au Canada et travaille sur les villes) en a dressé un tableau extrêmement éloquent. (voir son site)

    Nous vivons en même temps une révolution urbaine et une révolution économique :

  • La première est marquée par le passage d’une économie basée sur la transformation de matières premières à une économie de la connaissance.

  • L’autre est marquée par le retour à certaines formes de densité urbaine dans lesquelles il faut préserver la diversité source de créativité qui est toujours au cœur de l’économie de la connaissance.

Il faut en outre s’intéresser à la montée des méga régions. Il en distingue une quarantaine dans le monde.

  • Celle qui unit Tokyo et Yokohama est peut-être la plus connue.

  • Il a beaucoup insisté sur celle qui va de la capitale de la Catalogne à Lyon.

Le passage à l’échelon supérieur implique de transformer les métropoles et de réorganiser les centres-villes.

Il faut éliminer la « dislocation des banlieues » source d’inégalités et d’injustices.

Pour construire « des méga régions qui fonctionnent. Il faut, » selon Florida, « se servir de la technologie, mais aussi donner le pouvoir aux gens ».

Les plus importantes se trouveront bientôt en Chine et la plus grande (42 millions d’habitants) devrait unir bientôt Guangzhou et Shenzhen, à un jet de pierre de Hong Kong.

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J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...