Las Vegas : des millions de dollars pour créer une communauté

La ville – toutes les villes – et le défi de les rendre plus vivables et moins dispendieuses sont sans doute la prochaine « frontière », terme familier aux conquérants de l’Ouest américain. Aucun individu ne l’illustre mieux que Tony Hsieh, fondateur de Zappos – la première boîte à réussir à vendre sérieusement des chaussures online – et, maintenant, animateur de Downtown Las Vegas. Il a tout simplement décidé de transformer le centre de Sin City (la ville du péché comme disaient les médias bien-pensants) en modèle de cité intelligente, innovante et durable.

Trop insulaires

« Les campus de Google et de Twitter sont trop insulaires », m’a expliqué Kim Schaefer, une des responsables (personne n’a de titre précis). La référence est celui, ouvert, de l’Université de New York au cœur de Manhattan. « Nous préférons que nos employés se promènent dans la ville », ajoute-t-elle comme un pied de nez aux tensions croissantes qui opposent les grands de Silicon Valley à San Francisco où ils font monter les prix sans contribuer à sa vraie vie. « Les interactions accroissent la créativité et les innovations de l’entreprise en même temps qu’ils bénéficient à la communauté locale », poursuit Schaefer.

Le centre-ville était en pleine décrépitude

Las Vegas ayant déversé ses banlieues autour de centres commerciaux dispersés, le centre-ville était en pleine décrépitude. Immeubles pourris, chômage et crimes le décrivaient mieux que les lumière scintillantes du « strip », la zone des casinos. « Nous voulons changer ça et misons sur l’entrepreneuriat pour diversifier l’économie. Mieux vaut un petit restaurant qu’un mont de piété », m’a expliqué Schaefer. Pour inviter les gens à s’amuser et à rester, ils créent des festivals, des pièces de théâtre et ont même monté un « parc de conteneurs » plein de cafés, de boutiques, d’activités musicales et de vie. Et, dans le même temps, ils transforment de vieux casinos en espaces de coworking ou en centres communautaires.

Le Dowtown Project établit des partenariats avec les petits commerçants et les aide à trouver des crédits. C’est le cas, par exemple, de Eat, établi par une jeune chef qui, faute de moyens, envisageait d’allers s’installer ailleurs, ou de Moveline.com, qui facilite les déménagements avec des vidéos. Attirées par « l’attractivité » de l’initiative, 68 startups ont démarré ici ou se sont installés depuis le lancement, en janvier 2012. 35 petits commerces et près de 600 emplois ont été crées.

Partage de bicyclettes, de véhicules avec chauffeur et de 100 Tesla

Mais une ville ça n’est pas que des commerçants, même aux Etats-Unis. Le transport a donné lieu à une initiative spectaculaire, le Project 100. Il permet le partage de bicyclettes, de véhicules avec chauffeur et de 100 Tesla, ces voitures de demain créées par Elon Musk et mises à la disposition du public sur le modèle ZipCar.

Une école privée qui accorde une grande place aux neurosciences et à l’entrepreneuriat a été créée. « On y apprend différemment », dès le jardin d’enfants.

Hsieh, qui a vendu Zappos pour plus de 900 millions de dollars à Amazon, a mis 350 millions de ses propres sous dans le projet. 50 vont aux petits commerces, 50 au fond pour les startups, 50 à l’éducation et 200 à l’achat de terrains et d’immeubles. Wired a consacré un long article au projet en janvier dernier et se demande comment un individu peut se lancer dans la revitalisation d’une ville, une affaire complexe et sérieuse. Il s’agirait d’un « big gamble ». Pas sûr. Hsieh a tout pour réussir… pas nécessairement là ou on l’attend.

Les projets innovants partent de communautés innovantes

Il joue cartes sur table, mais celles qu’il montre ne sont pas nécessairement celles qui comptent le plus. Avec une partie de son argent, il donne vie à une nouvelle communauté innovante faite de startups qui échouent dans 90% des cas. Avec le reste, il rachète terrains et immeubles du centre ville qui ne valent encore pas grand chose. Une valeur plus sûre, à long terme.

On ne peut que lui souhaiter bonne chance. Il montre en effet qu’on peut être riche et prendre des risques avec une partie importante de sa fortune. Et surtout, il a compris que les projets innovants partent de communautés innovantes. Son mérite est de contribuer à la créer en pariant sur la diversité, la passion d’entreprendre et une bonne dose de fun. On peut sans doute y arriver avec moins d’argent.

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Crédit photo : AD Teasdale/Flickr/CC

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...