Réseaux, villes et changement climatique

Effet collatéral positif, les marches du dimanche 21 septembre contre le changement climatique ont fait la preuve de l’efficacité croissante des formes d’organisation en réseaux et confirmé l’importance des villes dans cette lutte. Plus de 2500 défilés, organisés par près de 1400 organisations, du nord au sud et de l’est à l’ouest.

Comparer le rassemblement de New York et celui de Paris aide à mieux comprendre l’importance des nouvelles formes et des nouveaux outils de mobilisation.

Les États-Uniens sont, plus que presque partout ailleurs, « profondément intoxiqués aux énergies fossiles » selon une déclaration au journal Le Monde de Bill McKibben, du réseau 350.org qui organise des campagnes « bottom-up » dans le monde entier. Mais, alors même qu’à peine 54% de la population y juge l’homme responsable du changement climatique (contre 80% en France), la marche de New York (une des plus grandes de l’histoire des Etats-Unis) a réuni près de 400 000 personnes. Ils étaient entre 5 000 et 25.000 à Paris.

Cela part d’une vraie confiance dans le fait que les gens – nous – peuvent/pouvons agir, même quand les leaders politiques nationaux traînent des pieds.

Amy Davidson, du New Yorker, se demande « qui a été changé par la marche » . C’est plus important, selon elle, que le « quoi » dans la mesure où il n’y a guère à attendre des politiques en la matière… à moins que nous soyons tous dans la rue…

Dans un tweet de Bridget Kyoto (@bridgetkyoto) on apprend que le photographe Arthus-Bertrand, présent à New York a déclaré « je ne crois plus aux discussions politiques, le changement sera intérieur ». En termes d’organisation cela veut dire qu’il viendra de la base, ce qu’a démontré la journée du dimanche 21.

Un article de TechPresident sur « le travail (et la tech) mis en œuvre pour réunir ces gens » montre que cette vieille discussion évolue. Par souci d’éviter l’émergence de faux porte-paroles et de petits chefs, le mouvement s’était doté d’une « coordinatrice » (titre soigneusement choisi). Il bénéficiait d’une plateforme (la People’s Climate March) qui invitait les gens à se regrouper en « hubs » (que l’on peut traduire par moyeu, plexus ou pivot) autonomes. Il s’agit de « groupes unis par une cause commune ou une caractéristique aidant à les définir ». Il peut s’agir de « seniors pour les générations futures » aussi bien que de végétariens, d’habitants d’un quartier ou de « régions aussi petite que Cape Cod ou aussi vastes que le Sud Profond ».

Les animateurs de ces hubs pouvaient coordonner leurs actions et organiser des réunions offline aussi bien que des téléconférences. Ils pouvaient avoir recours à un manuel et à des sessions de formation. Selon Tammy Shapiro, la coordinatrice globale, « il y avait beaucoup d’énergie mais personne n’était chargé de l’ensemble ».

L’avantage des formes d’organisation en réseau dépasse la marche elle-même, ajoute-t-elle, grâce au maintien des connections forgées. Et ça pointe en direction des villes, comme le souligne Michael Leon Guerrero de l’organisation Climate Justice Alliance, cité par Le Monde « La population doit faire pression pour que les élus locaux s’engagent dans la transition énergétique ». C’est d’autant plus possible que, le mélange proximité+TIC – possible dans les villes – est fortement mobilisateur. Susceptible même, à terme, de bouleverser le politique.

C’est aussi au niveau des villes que se joue l’essentiel de la lutte contre la crise climatique. Dans un article publié en avril par CityLab le professeur Richard Florida encourageait déjà l’ONU à en faire son levier principal dans leurs actions en faveur du développement durable. Parce que nous sommes une civilisation de plus en plus urbaine, mais aussi, parce qu’elles occupent le « rôle central dans la réduction du changement climatique et l’amélioration de l’environnement ».

Bien conçues, elles réduiront l’empreinte carbone par habitant. Construites n’importe comment, elles augmenteront notre dépendance face aux énergies fossiles.

Crédit photo : bjaglin/CC/Flickr

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...