L’intelligence d’une ville doit tenir compte de sa spécificité

La notion de « Smart City » se prête à quelques abus et ouvre la porte sur bien des erreurs. La première, et la plus discutée, consiste à concevoir un futur urbain entièrement défini par l’infrastructure technologique qu’on y déploie. Il en est une autre plus pernicieuse, mais pas moins importante, qui consiste à proposer des solutions identiques pour toutes les villes de la planète.

Cadre permettant de comprendre l’impact du digital sur la ville, la notion de « smart city » « représente la nouvelle utopie urbaine proposée comme une explication globale de différents phénomènes de changement », écrit (en anglais), depuis Bilbao, le chercheur Manu Fernandez.

Le terme voudrait bien tout dire du futur de nos villes mais, dans la réalité, il n’est parvenu, jusqu’à présent, qu’à entraîner un débat « limité, biaisé incomplet, et précipité ». Une partie de l’explication tient au fait, selon cet auteur, « que la gamme de solutions liées à la smart city sont généralement présentées de façon générique indépendamment des circonstances sociales techniques, politiques, démographiques et culturelles ».

En janvier, déjà, Adam Greenfield, critique acerbe de la ville intelligente, s’en était pris au fait que toutes les villes nouvelles se ressemblent. Ça leur donne un air de modernité qui plaît aux élites et ça vient de ce que ceux qui les dessinent ignorent tout du contexte dans lesquelles elles s’insèrent. Artificiel à l’extrême, le résultat donne des villes qui ont bien du mal à se peupler car personne ne s’y reconnaît.

Les développements partant de réalités locales ne manquent pas pour autant.

Nous savons depuis un certain temps déjà qu’il n’y a ni définition, ni modèle de ville intelligente qui satisfasse tout le monde (voir mon livre sur ce sujet). Cela nous laisse une immense liberté… Elle s’exercera d’autant mieux qu’elle tiendra compte de cet avertissement de Manu Fernandez : « Il est impossible de continuer à comprendre et à décrire la technologie comme un espace étranger que nous devons assumer comme acquis, et les villes (la société) comme de simples bénéficiaire de cette technologie ».

Photo : Un centre commercial désert de la ville nouvelle de Songdo, en Corée du Sud, dans laquelle les gens hésitent à s’installer. Photo personnelle prise en 2014.

Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 20 mai 2016.

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...