La loi ne prévoyait pas que Montpellier devienne métropole. Le processus par lequel elle y est arrivée présente, de ce fait, un exemple d’une forme de démocratie ascendante basée sur la concertation. Si l’on en croit Philippe Saurel, maire et président de la métropole, elle devient même de plus en plus citoyenne.

Q – Comment Montpellier est-elle devenue métropole ?

P.S. – Dès que je suis devenu maire, en 2014, j’ai compris que si Toulouse devenait métropole et nous pas, nous serions à la remorque. Nos deux villes sont à peu près de puissance identique même si elles ne sont pas connues de la même façon.

Montpellier n’a pas été défendue par ses élus locaux. J’ai du construire le consensus. Entre avril et octobre 2014 j’ai tenu 50 réunions dans les communes de l’agglomération avec maires, conseils municipaux de toutes tendances et citoyens. J’ai eu 26 votes sur 31 (la majorité qualifiée demandée par la loi). Le décret est passé et, le 1er janvier 2015, nous rattrapions Toulouse – à qui j’avais proposé un pacte de non agression – dans le train de la réforme territoriale.

Q – Quel est votre mode de fonctionnement ?

P.S. – J’ai mis en place un “parlement des territoires » composé des présidents des communautés de communes. Notre programme de développement économique y est discuté et modifié.

Ce parlement est une force de proposition mais aussi une force de résistance dans le cadre de la réforme territoriale, une sorte de république d’en bas, et doit être capable de faire entendre sa voix quand le tissu local est concerné. C’est un contrepouvoir face à la région et à l’État.

Le fonctionnement est simple : 1 président de communautés de communes = 1 voix, quelle que soit la taille. Je ne veux pas que Montpellier se développe a l’égoïste.

Q – Et par rapport aux maires ?

P.S. – Face au président de la métropole il fallait rassurer les maires qui ont perdu leur compétence en matière d’urbanisme, de voirie et d’aménagement de l’espace public.

Nous avons donc un pacte de confiance qui porte notamment sur :

– La façon de procéder en voirie et urbanisme. J’établis un jeu de délibérations croisées. Le maire dit en amont ce qu’il souhaite et on débat.

– J’ai intégré dans la discussion les plans locaux d’urbanisme révisés par les maires avant le passage en métropole.

– Une conférence des 31 maires se réunit toutes les semaines. Elle prend les décisions en appliquant le principe 1 maire = 1 voix, quelle que soit la taille de sa ville.

C’est une vraie façon de faire de la politique autrement, par les territoires. Dans nos instances nous avons tous les visages de la planète sans clivage gauche droite. Il y a une stricte parité hommes-femmes. Nous sommes un mouvement citoyen et, dans l’opposition, j’ai tous les partis constitués.

Q – Qu’est-ce qu’une ville intelligente pour vous ?

P-S. – C’est une ville durable, c’est à dire qui travaille à l’échelle de la vie quotidienne en même temps qu’à l’échelle internationale. C’est la ville en pantoufle, capable d’anticiper les grands changements de portée nationale et internationale. C’est un peu comme des lunettes à double foyer.

Q – Comment définissez-vous la participation citoyenne ?

P.S. – Elle se situe, pour moi, au niveau des communes. Depuis mon élection j’ai organisé 60 réunions de concertation. Tout y passe : la modification des trottoirs, le plan d’urbanisme, la circulation, l’architecture. Je fais voter les citoyens sur des grands principes qui vont guider les fonctionnements municipaux.

Et je pratique la transparence. Je fais 3 compte-rendu de mandats par an plus une réunion dans chaque quartier.

Pour les conseils de quartier nous avons un tirage au sort complet des citoyens pour que toutes les couches soient représentées de façon aléatoire. J’ai interdit aux élus d’y participer. Ils sont peu formatés par le pouvoir. Cela permet d’éviter le copinage mais aussi que les assos préemptent la démocratie.

Philippe Saurel n’entend pas s’arrêter là. Plus ses propositions vont dans le détail plus elles sont ambitieuses. Dans un livre qu’il vient de publier ces jours-ci il écrit: « Si l’on part de la notion de projet plutôt que de celle de parti politique, on renverse la donne. On ne choisit plus ses interlocuteurs en fonction de leur couleur politique mais de leur spécialité et de leur capacité à mettre ce projet en œuvre ». Le titre est clair Réparer la République (éditions Privat).

Photo Mairie de Montpellier

Cet article a été publié par La Tribune le 1er juillet 2015.

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...