Aujourd’hui, tu veux nous parler des points d’accès publics à l’internet. Pourquoi?
Pour deux raisons:
- La première est qu’à l’heure du mobile on voit émerger un discours disant que les points d’accès publics tels que télécentres, cybercafés et bibliothèques connectées ont cessé d’être utile / alors que ça n’est pas vrai. Le mobile ne résout pas tout pour tout le monde tout de suite et les points d’accès publics restent essentiels, notamment pour l’accroissement des compétences et pour l’intégration des secteurs socialement les moins favorisés.
- La seconde est que nous disposons maintenant de deux études sur leur intérêt dans les pays en voie de développement et dans les pays développés. Elles ont été réalisées avec un financement de la Fondation Bill et Melinda Gates, notamment et portent / pour l’une / sur 8 pays en voie de développement, et / pour l’autre sur 17 pays européens.
Quels enseignements peut-on en tirer?
Commençons par l’étude sur les pays en voie de développement à propos de laquelle j’ai interviewé François Bar, professeur à la University of Southern California de Los Angeles qui en est l’un des auteurs. Celle-ci a été co-financée par le CRDI (Centre de Recherches pour le Developpement International)
Ses conclusions sont très claires : Les points d’accès publics restent utiles dans un tas de situations. Ils constituent souvent le premier point de contact avec les TIC. En particulier pour les jeunes. Et, contrairement à ce qu’on croit, les gens ne les abandonnent pas même quand ils bénéficient d’un accès privé.
Et quels sont les accès publics les plus utiles ?
L’autre surprise issue du travail réalisé par la Fondation est que parmi les trois types de points d’accès public – bibliothèques, cybercafés et télécentres – « les bibliothèques ont plus d’impact que les deux autres ».
Mais » l’important est qu’il y ait une modalité d’accès public. » dit Bar. Ce que confirme une autre étude réalisée en Europe où elles sont fort appréciées comme point d’accès au net, notamment au Danemark et en Finlande.
Cela vaut donc aussi dans les pays développés ?
Bar affirme, sans hésiter, que « oui ». « En tout premier lieu parce qu’on y trouve des populations marginales dont le rapport aux TIC n’est pas si éloigné de ce qu’on trouve dans les pays en voie de développement », dit-il.
De plus, l’accès public continue à être utilisé du fait, notamment, de leur dimension sociale. Selon Bar « Accéder ensemble à l’internet en même temps et dans un même lieu conduit à une utilisation différente de celle que l’on peut faire en solitaire. »
C’est vrai dans les pays développés comme dans les pays en voie de développement. Ainsi les Coréens qui vivent dans un des pays les plus et les mieux connectés vont-ils souvent jouer dans les cybercafés car ça leur permet de communiquer face à face en temps réel. »
Mais, peut-on affirmer que les jeux jouent un rôle positif ?
Oui. Ça s’applique aussi aux réseaux sociaux et c’est un des points qui a le plus intéressé Bar et son équipe. « Les réseaux sociaux sont la porte d’entrée la plus facile et la plus efficace pour ceux qui n’ont pas encore eu de contact avec les TIC, » explique-t-il. C’est bien mieux qu’apprendre à utiliser un fichier Excel et rien n’interdit ensuite de passer à des usages plus sophistiqués.
Quant aux jeux : « Ils constituent un élément d’attraction important, surtout pour les jeunes qui, sans cela ne viennent pas car ils s’ennuient. »
Permets moi, pour terminer, une longue citation qui va te plaire : « L’étude montre que ceux qui passent du temps à utiliser des jeux développent des compétences équivalentes à celles développées par des gens qui n’utilisent que des logiciels sérieux.
« Nous avons aussi découvert, ce qui n’est pas la moindre de nos surprises, que l’utilisation combinée des jeux et des logiciels de travail permet d’acquérir des compétences supérieures.
« Ça veut dire que si on interdit les jeux on se prive d’un élément positif. Même dans les bibliothèques. Certains pays, comme le Chili, l’ont compris et permettent d’y faire ce qu’on veut, même jouer. »
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crédit photo : CC/Stefan Magdalinski