Le mobile ne résout pas tout pour tout le monde tout de suite. Télécentres, cybercafés et bibliothèques connectées – les points d’accès publics aux technologies de l’information – restent essentiels, notamment pour l’accroissement des compétences et pour l’intégration des secteurs socialement les moins favorisés.
Deux études récentes réalisées par la Fondation Bill et Melinda Gates dans 25 [MaJ] pays montrent que de tels centres jouent un rôle clé dans les pays en voie de développement, mais aussi dans les pays développés. Elles donne des éléments pour comprendre – et donc mettre en œuvre – ce qui marche le mieux.
« Beaucoup de gens croient que les télécentres ont échoué et que la question du moment est comment les fermer, or nous avons découvert qu’ils sont utiles dans un tas de situations, » m’a déclaré François Bar, professeur à la University of Southern California de Los Angeles et l’un des auteurs de l’étude sur les pays en voie de développement [co-financée par le CRDI (Centre de Recherches pour le Développement International) canadien]
« Ils sont souvent le premier point de contact avec les TIC. En particulier pour les jeunes. Mais ils continuent à être utiles même quand les gens ont d’autres recours. On a tendance à croire que les gens les abandonnent dès qu’ils ont un accès privé. Nous avons trouvé que ça n’est pas vrai. »
Autre surprise issue du travail réalisé par la Fondation : parmi les trois types de points d’accès public – bibliothèques, cybercafés et télécentres – « les bibliothèques ont plus d’impact que les deux autres. L’important est qu’il y ait une modalité d’accès public. » Ce que confirme une autre étude réalisée en Europe où elles sont fort appréciées comme point d’accès au net, notamment au Danemark et en Finlande.
La grande découverte au fond, c’est que les mobiles ne remplacent pas de tels centres « les gens font d’autres choses avec leurs téléphones et ces derniers ne rendent pas les lieux publics obsolètes, » m’a expliqué le professeur Bar.
Mais cela vaut-il aussi dans les pays développés ? « Oui, » répond Bar sans hésiter. « En tout premier lieu parce qu’on y trouve des populations marginales dont le rapport aux TIC n’est pas si éloigné de ce qu’on trouve dans les pays en voie de développement ».
De plus, l’accès public continue à être utilisé du fait, notamment, de leur dimension sociale. « Accéder ensemble à l’internet en même temps et dans un même lieu conduit à une utilisation différente de celle que l’on peut faire en solitaire. C’est vrai dans les pays développés comme dans les pays en voie de développement. Ainsi les Coréens qui vivent dans un des pays les plus et les mieux connectés vont-ils souvent jouer dans les cybercafés car ça leur permet de communiquer face à face en temps réel. »
Une autre conclusion tout aussi importante de l’étude tient d’ailleurs au rôle positif des réseaux sociaux et, surtout, des jeux. Les relations sociales jouent, à l’évidence, un rôle considérable dans la vie des gens et « les réseaux sociaux sont la porte d’entrée la plus facile et la plus efficace pour ceux qui n’ont pas encore eu de contact avec les TIC. C’est bien mieux qu’apprendre à utiliser un fichier Excel. Ça montre l’importance et le rôle des TIC dans la communication, à partir de quoi on arrive à des usages plus sophistiqués. »
« Ils constituent un élément d’attraction important, surtout pour les jeunes qui, sans cela ne viennent pas car ils s’ennuient. Notre étude montre que ceux qui passent du temps à utiliser des jeux développent des compétences équivalentes à celles développées par des gens qui n’utilisent que des logiciels sérieux. Nous avons aussi découvert, ce qui n’est pas la moindre de nos surprises, que l’utilisation combinée des jeux et des logiciels de travail permet d’acquérir des compétences supérieures. Ça veut dire que si on interdit les jeux on se prive d’un élément positif. Même dans les bibliothèques. Certains pays, comme le Chili, l’ont compris et permettent d’y faire ce qu’on veut, même jouer. »