« Le monde est menacé par un nouvel holocauste. Comparable à celui perpétré par les Nazis. Les victimes en seront les riches (le 1%). » C’est ce que vient d’écrire, dans une lettre au Wall Street Journal, Tom Perkins, un des capital-risqueurs les plus prestigieux de la Silicon Valley (son succès se mesure à ses huit milliards de dollars). Une affaire sérieuse.
Accusant OccupyWallStreet et le journal local, il perçoit une « marée montante de haine contre le un pour cent qui réussit ».
Cette « dérive dangereuse de la pensée américaine » pourrait conduire, selon lui, à une Kristallnacht — un « nuit de cristal », « la première grande manifestation de violence antisémite ».
Si un tel événement était « impensable » dans les années trente, Perkins se demande si « son descendant, le progressisme radical, est impensable maintenant » ?
Les réactions ne se sont pas faites attendre :
- Kleiner Perkins, l’entreprise qu’il a contribué à fonder, a tweeté « Nous ne sommes pas d’accord ». Mais Perkins apparaît sur leur site comme « partenaire émérite », ayant contribué « à créer certains des business les plus intéressants et les plus innovants du monde. »
- OccupyWallStreetNYC choisit l’ironie en lançant un appel à « empêcher l’holocauste des riches. Soutenez le 1% ou ils risquent de périr comme les juifs ».
Tout lecteur a le droit de mettre l’affaire sur le compte d’un coup de trop ou d’un peu de sénilité précoce, mais elle s’insère dans un climat pourri :
- les incidents se multiplient entre une partie de la population de San Francisco et les bus des grandes compagnies (Facebook et Google) qui servent à transporter les employés entre boulot et dodo avec pour conséquence une dramatique augmentation du prix de l’immobilier. Aujourd’hui, par exemple : presque aucun des policiers de la ville ne peut encore y habiter.
- Business Insider fustige l’ignorance dont font preuve certains « tech workers » face aux disparités en termes de richesse. L’un d’entre eux a qualifié les SDF de « trash », qui peut se traduire par ordure, détritus, immondice ou saloperie.
Ça va loin :
- l’assimilation des progressistes aux Nazis est fréquente dès qu’ils parlent d’augmenter les impôts. Sur le web, je trouve 78 millions de documents avec les noms du très modéré Obama et d’Hitler côte à côte. Essayez ;
- certains capitaines de la Silicon Valley se sentent fondés à demander plus de passe-droits, la création d’un nouvel État dans la fédération et même une sécession comme je l’ai montré récemment (Une république de geeks).
Mais c’est dans un article de TechCrunch que j’ai trouvé la piste la plus précieuse. Espace dans lequel « avidité et idéalisme ont toujours coexisté », la vallée est passée d’une culture de services « respectueuse » à une volonté déclarée de changer le monde, « individualiste et pleine d’arrogance ».
C’est cette volonté de « faire bouger le schmilblick » (plus modeste) que je trouve passionnante. Mais j’ai couvert assez de mouvements révolutionnaires pour pouvoir témoigner que ceux qui se donnent comme « mission » de changer le monde, de le rendre meilleur, croient vite détenir tous les droits.
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Crédit photo : CC/TechCrunch