Que vous ayez déjà visité Manhattan ou que vous rêviez d’y aller, votre – interminable – liste des lieux à visiter comprend sûrement l’Empire State Building et la Statue de la Liberté. Classique. Mais ceux qui veulent se faire une idée de la nouvelle dynamique des villes iront aussi visiter la High Line, une ancienne ligne de chemin de fer désaffectée, transformée en parc.
L’exemple vient de la Promenade plantée, installée sur l’ancienne ligne de Vincennes dans le 12ème arrondissement et ouverte dès 1993. Une paternité volontiers reconnue par les fondateurs de High Line. Mais l’histoire new yorkaise contient quelques enseignements utiles sur la participation et la récupération par les citoyens d’espaces voués à la rénovation immobilière gourmande.
« Les fondateurs du projet ont commencé sans une idée claire de ce qu’ils voulaient » m’a expliqué Peter Mullan, architecte membre de l’équipe. « C’est un bel exemple de citoyens, parvenus à mettre en œuvre, avec la municipalité, une idée venant d’eux en se positionnant à la fois comme projet de conservation et de développement. » Une tension généralement fatale.
Joshua David et Robert Hammond, deux habitants du quartier opposés à la destruction de la ligne ont, dès le départ, fait participer autant de gens que possible. En créant d’abord un concours d’idées ouvert à tous. Une façon de brasser les notions les plus folles (par exemple une piscine de plus de 2 km de long) tout en étant clairs qu’il ne s’agissait pas de les réaliser mais de s’inspirer.
Mais, consultés, les habitants du quartier ignoraient ce qu’était devenue la ligne suspendue à plusieurs mètres de la chaussée. Engagé tout exprès, un photographe connu a montré qu’elle s’était transformée en espace vert sauvage « un peu comme les peintres du 19ème siècle mettaient en image le Far West que personne ne connaissait » m’a expliqué Mullan. Un mot s’est dégagé qui a frappé l’imaginaire collectif local. Celui d’oasis. « C’est ce qui a permis de cristalliser le projet, de galvaniser la participation autour de la volonté de ‘préserver ça’. »
Mais la difficulté consistait à inclure la municipalité. Michael Bloomberg, alors candidat au poste de maire, s’est prononcé pour. Une décision essentielle car, selon Mullan « nous avions une bonne idée, mais nous ne pouvions assumer les responsabilités. Nous avions besoins que la ville se charge de la sécurité par exemple. »
C’est ainsi que s’est constitué un partenariat entre la municipalité et une entreprise à but non lucratif : Friends of The High Line. Elle est aujourd’hui responsable de l’entretien du parc et de réunir les fonds privés qui couvrent 90% du budget.
Alors que l’aventure s’est lancée en opposition à des projets immobiliers, le succès du parc –qui reçoit plus de 4 millions de visiteurs par an – et son impact sur le quartier ont été suffisants pour entrainer un rebond. De nouveaux immeubles ont été construits. La municipalité en tire des impôts, mais les loyers ont tendance à augmenter.
« Le secret de notre réussite » estime Mullan « c’est d’avoir inclus plusieurs communautés. Ça donne une dynamique particulière. Trop d’espaces publics sont conçus pour un seul groupe : piste pour cyclistes ou terrain de jeux pour enfants, par exemple. Nous avons pris le problème de façon opposée. C’est ça travailler pour une ville. »
Né de la participation citoyenne, de la collaboration entre activistes, et municipalité, The High Line est devenu une sorte de modèle que d’autres villes essayent de copier (Chicago ou Philadelphie entre autres). Et cela nous mène au cœur d’une des difficultés de la collaboration entre villes.
« Nous avons reçu beaucoup d’aide de partout, » explique Mullan, « et c’est notre devoir d’aider en retour. Nous avons envisagé d’institutionnaliser les connaissances et l’expérience pour aider d’autres villes dans le monde. Mais nous devons nous concentrer sur ce lieu pour, sans cesse, nous réinventer et renaître. » Vu des villes, le local ne fait pas facilement bon ménage avec le global.
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Crédit photo : CC/Wikipedia