Le Congrès mondial des villes intelligentes (Smart City Expo World Congress) qui s’est tenu la semaine dernière à Barcelone est une parfaite illustration du fait que nous avons un problème avec le concept de « smart city » tel qu’il est utilisé aujourd’hui.
Une solution séduisante de mobilier urbain
Prenons deux exemples. Lors d’un panel sur les solutions mobiles Maria Serrano de Schneider Electric, a présenté une solution séduisante de mobilier urbain. 1 dollar US investi dans les solutions intelligentes par la ville de Dallas se traduit, selon elle, par des économies de 20 dollars en coûts opérationnels.
Il faut, bien sûr, d’importantes bases de données pour bien gérer les informations. Ce qui la conduit à préciser : « Nous avons besoin de savoir tout ce qui se passe et c’est une vraie obsession pour nous car nous avons investi beaucoup d’argent. »
On est loin du « citizen centric smart city »
Juste après elle, le portugais André Martins Dias de la société CEIIA, nous a expliqué qu’il « croît à l’intégration de toutes les dimensions de la ville sur une seule plateforme. »
Nous sommes très loin de ce qu’on pourrait appeler une « citizen centric smart city », une ville intelligente dont les citoyens seraient le centre.
Le panel sur la « Co-création des villes » s’est efforcé d’aborder la question de façon plus ouverte. Auteur du livre Smart Cities Anthony Townsend (@anthonymobile), a fait remarquer que dans les modèles que sont Songdo ou Masdar, « il n’y a pas de pauvres, ce qui ne reflète pas la réalité des villes ».
Avant de faire remarquer que « tout ce qui concerne les villes peut être expliqué en termes de collaboration et de réseaux sociaux. » « Une cité qui ne collabore pas meurt », a-t-il précisé.
Une tension entre intelligence et participation
Mais c’est à Peter Madden (@thepmadden) que revient le mérite d’avoir posé le problème dans les termes les plus clairs. « Il y a une tension entre intelligence et participation », a-t-il commencé par expliquer. Avant de préciser : « Il va sans dire que nous voulons l’intelligence, mais je ne veux pas que ma vie soit réglée par des algorithmes. Je veux savoir ce que l’intelligence peut faire pour les citoyens. »
Il en tire trois conseils aux constructeurs de smart cities :
- « adoptez la complexité que la technologie proposée pour les villes intelligentes tend à simplifier »;
- « innovez de façon collaborative car aucune organisation ne peut aborder la complexité d’une ville toute seule »;
- « partez de l’utilisateur et du citoyen. C’est une question de design. »
Une véritable révolution urbaine
La difficulté à concilier ville intelligente et ville participative est un problème d’autant plus sérieux que nous sommes au cœur d’une véritable révolution urbaine dont Richard Florida a dressé un tableau extrêmement éloquent. Ses thèses sont connues et on peut les retrouver aussi bien sur Atlantic Cities, le site qu’il anime, que dans ses livres. J’en ai retenu deux clairement martelées lors de son intervention.
D’abord, la révolution urbaine a lieu en même temps que la révolution économique. La première est marquée par le passage d’une économie basée sur la transformation de matières premières à une économie de la connaissance. L’autre est marquée par le retour à certaines formes de densité urbaine dans lesquelles il faut préserver la diversité source de créativité qui est toujours au cœur de l’économie de la connaissance.
La montée des méga-régions
Il faut en outre s’intéresser à la montée des méga-régions. Il en distingue une quarantaine dans le monde. Celle qui unit Tokyo et Yokohama est peut-être la plus connue. Mais il a beaucoup insisté – nous nous trouvions à Barcelone – sur celle qui irait de la capitale de la Catalogne à Lyon. Les plus importantes se trouveront bientôt en Chine et la plus grande (42 millions d’habitants) devrait unir bientôt Guangzhou et Shenzhen, à un jet de pierre de Hong Kong.
Le défi est alors d’obtenir une « densité interactive » pour laquelle il faut transformer les métropoles et réorganiser les centre villes, éliminer la « dislocation des banlieues » source de tant d’inégalités et d’injustices attribuables à la géographie, au manque de communication. « Nous devons construire, a-t-il conclu, des méga régions qui fonctionnent. Il faut pour cela se servir de la technologie, mais aussi donner le pouvoir aux gens. »
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Crédit photo : CC/David Sim