Deux des termes les plus couramment utilisés dans les cercles qui innovent un peu partout dans le monde sont « sérendipité » et « résilience ». En France, par contre, ceux qui les comprennent et les utilisent restent trop peu nombreux. Chaque fois que je demande, à l’occasion d’un cours ou d’une conférence, qui est familier avec ces termes et je n’ai, généralement, que deux ou trois mains qui se lèvent. Il est pourtant essentiel de les comprendre si nous voulons innover.
La sérendipité, j’en ai déjà parlé, c’est le hasard heureux, le fait de découvrir quelque chose qu’on n’attendait pas. Elle ne peut être planifiée, ce qui échappe aux managers, mais on peut la rendre possible. Victor Hwang et Greg Horowitt, auteurs du livre The Rainforest, The Secret to Building the Next Silicon Valley, parlent d’engineered serendipity (bien difficile à traduire) qui consiste à créer les conditions favorables à la multiplication des hasards propices.
Même si les « potions magiques » conduisant à l’innovation n’existent pas, on retrouve toujours certaines composantes dont les deux plus importantes sont les espaces ouverts et la diversité. Ils permettent que les idées fusent de conversations imprévues. De là l’importance des machines à café et autres lieux de détente dans les bureaux.
Tony Hsieh, fondateur de Zappos, le premier site ayant su nous vendre des chaussures online, utilise l’image parlante de « collision ». Il faut, presque littéralement, rentrer dans quelqu’un que l’on ne s’attendait pas à voir, aborder un sujet improbable pour que l’on ait des chances de voir sortir des étincelles créatives.
La résilience part de l’acceptation de l’échec si importante et si mal comprise. Ça se joue à trois niveaux. Il faut d’abord le tolérer. Il est bon d’être capable de le récompenser car ceux qui n’échouent pas n’ont pas essayé d’aller assez loin. Il faut enfin se donner les moyens de rebondir après avoir échoué. C’est ça la résilience. La partie la plus importante puisqu’elle débouche, quand tout va bien, sur une nouvelle vie, de nouvelles opportunités.
Le terme se retrouve dans de multiples disciplines dont vous trouverez la liste sur Wikipedia. En voici deux : « en écologie et en biologie, la résilience est la capacité d’un écosystème, d’une espèce ou d’un individu à récupérer un fonctionnement ou un développement normal après avoir subi une perturbation. » C’est l’image fondamentale, celle qu’il faut retenir. Mais il est bon de savoir que : « en économie, la résilience est la capacité à revenir sur la trajectoire de croissance après avoir encaissé un choc. »
La résilience est donc une réponse positive à l’acceptation de l’échec avec laquelle nous avons tant de mal. Elle implique intégration des risques. Elle se traduit, pour celui ou celle qui échoue, par la confiance dans la possibilité et la capacité de se reprendre. Pour un système c’est, à côté de l’érection de protections, la mise en place des mécanismes permettant de redémarrer.
Le terme nous concerne tous dans la mesure où il est la capacité psychologique de renaître de sa souffrance comme l’a si bien montré le psychiatre et psychanalyste français Boris Cyrulnik. Et il s’applique, bien évidemment aux villes, entités complexes et vivantes comme nous. Notamment en cette période de changement climatique. Il semble que dans la littérature anglophone la résilience est à ce début de siècle « ce que le développement durable était aux années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. » Mettons nos montres à l’heure.
Le recours au concept s’est encore accéléré après les ravages causés à New York par l’Ouragan Sandy. Le raisonnement étant maintenant qu’au lieu de prétendre se mettre à l’abri de tout il est préférable de créer les conditions d’un redémarrage rapide. Un vrai changement de paradigme qui consiste à se donner les moyens de nager dans la tourmente plutôt que d’endiguer la crue… La précaution n’est jamais une garantie suffisante, la résilience est, au contraire, multiplication d’opportunités.
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Crédit photo : CC/Flickr/Peter Werkman