Robin des bois de l’ère digitale, l’ex professeur Onno Purbo (@onnowpurbo) vole fréquences et autres longueurs d’onde pour permettre aux plus pauvres et aux plus mal servis d’accéder gratuitement à l’internet. Son arme favorite – pas vraiment secrète puisqu’elle est open source – est une antenne wifi faite avec un wok, la poêle typique de l’Asie du Sud Est et en particulier de l’Indonésie, son pays. Il l’a baptisée « wajanbolic » ce qui peut se traduire (avec licence) par « wokbolique ». Tout un programme technique et social.Rondouillard et toujours de bonne humeur (pour ce que j’ai pu en voir) il s’amuse comme un fou des coups qu’il porte aux gouvernements quels qu’ils soient. Son premier titre de gloire ayant été d’introduire l’internet en Indonésie en connectant des ordinateurs au moyen de walkie talkies fonctionnant sur des longueurs d’onde auxquelles il n’avait pas droit. C’était en 1993.En 1996 « nous avons commencé à nous amuser avec les premières versions de wifi en utilisant une fréquence interdite. L’armée est venu à l’Université et j’ai failli aller en prison, » m’a-t-il raconté dans sa maison qui toute entière ressemble à un atelier de bricoleur. Son épouse elle même travaille à la formation des femmes aux TIC.Il était dans le collimateur des autorités mais « en s’appuyant sur cet exemple les gens ont commencé à voler les fréquences attribuées à d’autres. C’est facile. Et le gouvernement s’est retrouvé avec un problème sur les bras. » Le directeur responsable des télécoms a fini par le recevoir. Un arrangement a été trouvé. C’est là qu’est né la stratégie : « Je n’avais ni pouvoir, ni argent alors j’ai utilisé les masses pour gagner la guerre. » Il s’est aussi servi du fait que plusieurs invitations à l’étranger (les Sommets de la société de l’information à Genève puis Tunis) lui avaient conféré une certaine renommée (voir aussi cet article d’Information Technologies and International Development).Pour en arriver là, pour que les gens s’emparent de l’idée, il fallait montrer l’exemple et expliquer. Purbo a donc abandonné son poste à l’université pour se consacrer à l’écriture de livres qu’on trouve en ligne (dont un en anglais, le VoIP Cookbook) et à la tenue d’ateliers un peu partout dans le pays où il explique comment procéder concrètement.Une de ses innovations les plus répandues est donc l’antenne wifi wok-bolique. Une antenne qui permet d’étendre la portée d’un point d’accès jusqu’à 3 ou 4 kilomètres, dit il.Elle est généralement faite d’un wok (parfois d’un couvercle de marmite) au centre duquel est fixé (dans la plupart des cas) un tuyau de PVC entouré de papier alu. Le wifi est fourni par une clé USB fixée à la partie centrale. Avec un tel système il suffit qu’une seule personne ait accès à l’internet pour ensuite le partager avec sa communauté. « C’est facile à construire » explique-t-il, et tout le processus sur les besoins et les interactions des 4 mailing listes de hackers qu’il gère.Et comme un type comme ça ne s’arrête jamais. A l’ère du mobile il passe du wifi à la communication 3G en s’appuyant cette fois de façon plus intense sur la communauté open source mondiale (voir OpenBTS).Sa recette : bricolage + utilisation de fréquences interdites + éducation comprend même un business model. Tirant sa réputation de ses publications gratuites téléchargées un peu partout en Indonésie il se fait payer entre 200 et 300 dollars par jour pour donner des conférences et monter des ateliers, notamment dans les universités. Pas tous les jours bien sûr mais « ça suffit pour nourrir la famille ». Et les étudiants construisent leurs propres antennes, leurs propres réseaux comme une partie de leurs projets d’études.Ça finit par créer à la fois les premiers rudiments d’une infrastructure et le début de massification qui oblige les puissants à bouger.
J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,... Plus par Francis Pisani