narvic-227x219.1216357618.jpg Par Narvic

La galaxie des blogs, qui est née et se développe en ligne, et la galaxie des médias, qui sont nés hors ligne et qui investissent maintenant massivement internet, n’en sont plus à se rapprocher : elles s’interpénètrent déjà.

C’est une collision de galaxies, pas un choc frontal. De multiples étincelles se produisent quand les étoiles s’entrechoquent.

Les petit événements que vous relevez, Francis , se produisent surtout à l’intersection des ces deux galaxies.

Ça grince car deux logiques d’audience s’entremêlent et modifient le fonctionnement de chacune des galaxies :

  • la logique « plate » des blogs (le tissage d’un réseaux de liens, une audience « personnalisée », qui se construit progressivement par la conversation en commentaires, par la recommandation des uns aux autres et la diffusion de liens. Un processus dont les lecteurs sont les acteurs principaux).
  • la logique « verticale » des médias (qui arrivent sur le net en drainant derrière eux une audience qui se fédère autour de marques et de noms de vedettes, une audience qui reste très anonyme, avec peu d’interactions).

Certains redoutent (des deux côtés) que cette interpénétration ne dénature leur propre galaxie et sont tentés de « se replier » à la périphérie de « leur » monde :

  • des journalistes : qui craignent la concurrence entre blogueurs et éditorialistes, qui se plaignent de se voir dépossédés de leur rôle de sélection et de hiérarchisation de l’information, qui dénoncent le rôle des blogs dans la propagation incontrôlable d’informations non vérifiées (voire carrément fausses, ou même manipulées)…
  • des blogueurs : qui regrettent la surexposition entraînée par la médiatisation (Versac ), qui tentent de se prémunir de la « pollution » de l’audience entraînée par sa massification (Fred Cavazza ), qui cherchent à retrouver la conversation qui se perd en chemin dans la cacophonie (Calacanis ).
  • tout cela sous le regard des gouvernements, qui cherchent à imposer un contrôle à ce monde foisonnant des blogs (en limitant la liberté d’expression, de manière parfois légitime : lutte contre la diffamation, ou l’apologie des extrémistes, et parfois illégitime : réduire l’expression des opposants démocrates), des gouvernements qui veulent aussi apporter un soutien aux industries médiatiques économiquement déstabilisées par la mutation qu’elles vivent et qui pratiquent auprès d’eux un lobbying intense…

Et puis, il y a ceux qui vivent bien à cette intersection et s’y développent en créant des formes hybrides des deux mondes !

  • ils viennent des blogs et se « professionnalisent » peu à peu en devenant des médias ou en s’intégrant à eux (Daniel Lyons , Presse-Citron en France…)
  • ils viennent des médias et inventent des médias hybrides « métissés » de blogs (Rue89 , Mediapart en France, une foule d’exemples aussi aux USA…).

Ces formes d’hybridation se généralisent. Certains médias au profil assez traditionnel ouvrent des plates-formes de blogs attachées à leur site, comme Le Monde qui héberge Transnets ;-), et de plus en plus ils mettent en valeur les billets de ces blogs (la toute récente nouvelle formule du site LeMonde.fr fait d’ailleurs un nouveau pas dans cette direction). Au point qu’il leur est parfois reproché que la « frontière » n’est plus claire entre les contenus professionnels (censés être garantis par une déontologie professionnelle) et amateurs (qui ne sont pas soumis à de telles exigences).

D’autres médias encore « empruntent » la forme du blog, sa technologie et son ton, alors qu’ils restent d’abord des publication online (TechCrunch , Ars Technica et PaidContent …). Comme si cette hybridation était la clé pour toucher un lectorat renouvelé, attentif et intéressé, qui se détourne des médias de masse impersonnels.

Cette « hybridation » semble même atteindre en profondeur le métier de journaliste, qui commence à apprendre du blogueur : moins de distance avec le lecteur, un début de conversation, plus de réactivité. Avec le risque aussi de perdre l’essentiel, le maintien d’une distance, précisément : trop de rapidité, de réactivité, d’émotivité ou de personnalisation…

Bref, c’est une sorte de redistribution des cartes qui s’effectue en cours de partie. Mais la partie continue…

Ce billet provient d’un commentaire écrit par Narvic en réponse à mon billet d’hier sur les grincements dans la blogalaxie. Il l’a partiellement repris pour cette publication sur Transnets.Narvic, que je n’ai jamais rencontré a été intronisé « journaliste blogueur » par Versac (qui publie en invité sur son blog Novovision ). Il est journaliste de profession  (issu de la presse quotidienne), et blogue sous pseudonyme, en tentant de maintenir une frontière plus ou moins étanche entre ces deux mondes, ce qui, dit-il « me donne plus de liberté pour m’exprimer. Mon blog ne s’éloigne pourtant guère de mes préoccupation professionnelles, puisqu’il tourne pour l’essentiel autour des questions relatives aux médias et à internet, et à l’avenir du journalisme. » Je viens de le découvrir et vous le recommande.

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...