Trois actualités douloureuses illustrent l’importance des villes pour les réfugiés.
- Aux États-Unis, Trump s’en prend aux villes sanctuaires en les menaçant de les priver de certains fonds fédéraux si elles s’entêtent à recevoir des immigrants sans papiers ayant un casier judiciaire. San Francisco, Los Angeles, Chicago, New York et plus de 200 autres ont, pour le moment, décidé de tenir tête. Miami s’incline.
- Le dimanche 22 janvier un jeune réfugié Gambien arrivé dans une ville sans issue a décidé de mettre fin à ses jours sans espoirs en se lançant dans les eaux du grand canal de Venise. Des touristes l’ont filmé en train de se noyer. Indifférence. Il n’était pas du coin.
- Saisis par l’hiver européen, des milliers de réfugiés encore dans des camps ont dû subir des froids redoutables alors que d’autres, évitant les villes sur le chemin du nord, sont exposés à des risques élevés d’hypothermie et de famine.
Certaines villes, pourtant réagissent.
- Confrontés à un plus grand nombre de réfugiés que toutes les autres, Berlin et Hambourg innovent. Cette dernière, en particulier, a mis au point un centre de traduction vidéo live de 50 langues pour permettre aux immigrants de consulter un médecin dans leur langue, nous explique l’Atelier. Le Refugee First Response Center (Centre de premiers secours aux réfugiés) est installé dans un conteneur adapté, il peut être reproduit et installé à Beyrouth au Liban comme à Samos en Grèce. Dans un tout autre domaine le jardin Kampnagel a ouvert l’espace Migrantpolitan pour encourager l’expression artistique par/avec/pour les migrants. L’été dernier il y avait même un casino dans lequel il était bon de perdre puisque l’argent allait aux réfugiés.
- 70 maires européens (dont Anne Hidalgo de Paris et Ada Colau de Barcelone) réunis au Vatican en décembre dernier ont décidé de créer un réseau de « villes d’accueil ». « Il faut un réseau de maires qui favorise des couloirs humanitaires européens et mette la pression sur les gouvernements afin de mener à une vraie politique d’accueil » a déclaré le maire de Vintimille dont la ville est devenue un « petit calais » italien, explique La Croix.
- La responsable de la résilience (Chief Resilience Officer) de la ville d’Athènes explique sur le site GreenBiz que les États-Nations abordent le problème de façons de plus en plus « sectaires, xénophobes et autoritaires ». Face à quoi elle estime que les villes doivent prendre le relai. « Si [elles] ne parviennent pas à gérer et à soutenir ces personnes déplacées, elles pourraient faire face à des problèmes croissants de santé publique, de sécurité et de droits de l’homme, mais surtout, elles perdront l’occasion d’améliorer leurs infrastructures, leurs services et leurs systèmes de gouvernance pour améliorer leur démocratie et la capacité de répondre de leurs communautés locales ».
Les villes sont, par contre, un point d’attraction paradoxal pour les réfugiés climatiques.
- Leur nombre s’élève à 140 millions au cours des 6 dernières années selon The Guardian. Chassé par les variations extrêmes de leurs territoires, les éleveurs mongoliens, par exemple, affluent vers les villes et doivent renoncer à leur mode de vie traditionnelle.
- Mais, rien n’est simple et, un peu plus au sud, des dizaines de milliers de Chinois ont fui les villes aux pires moments de l’« airpocalypse » constituée par les pics de pollution.
Ceux qui veulent en savoir plus suivront avec intérêt les travaux du groupe participatif de recherche Babels, notamment la partie intitulée « La ville comme frontière : ce que les villes font aux migrants, ce que les migrants font à la ville ».
L’Institution Brookings de Washington, DC, a une série d’articles intéressants autour de la réponse européenne à la question des réfugiés et notamment le fait que ces derniers « N’arrivent pas seulement dans des nations ils s’installent dans des villes ».
Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 10 février 2017.
Photo : émigrants allemands s’embarquant pour New York depuis le port de Hambourg. Image de Harper’s Weekly du 7 novembre 1874 (Wikipedia)