En même temps qu’elles en consomment, la plupart de nos activités produisent de la chaleur qui se dissipe. La récupérer puis la partager est possible grâce aux réseaux de chaleur, une des façons les plus efficaces d’économiser de l’énergie et de réduire la production de CO2. Relativement courante dans les pays jadis socialistes cette approche du chauffage urbain au niveau du quartier est le sujet d’un intérêt croissant de la part de l’Union Européenne.
Un réseau de chaleur, est un système de chauffage de zones densément occupées et non pas à l’échelle de l’appartement, de l’immeuble ou de l’installation industrielle. Il redistribue de la chaleur résiduelle produite en différents endroits émetteurs à d’autres lieux, consommateurs. Les sources peuvent aller de certaines activités industrielles aux data centers. Les installations peuvent également fonctionner aux biocarburants.
« C’est pour préserver la qualité de l’air que nous nous sommes mis à capturer la chaleur déjà produite pour la réutiliser au niveau du quartier » m’a expliqué Katrina Folland, coordinatrice du programme Celsius Smart Cities pour la ville de Göteborg. Fréquente en Suède, l’incinération des ordures peut être utilisée pour le chauffage. C’est ce qui explique le développement de smart grids thermiques équipées de « de capteurs communicants, de sous-stations intelligentes, de régulateurs, le tout étant interconnecté avec les bâtiments (eux-mêmes de plus en plus intelligents), les capteurs météorologiques, les unités de stockage d’énergie, et les autres réseaux d’énergie (électricité, gaz).
Lancé, outre Göteborg, par Londres, Rotterdam, Cologne et Gênes, Celsius regroupe déjà 36 villes européennes dont Lyon et Issy les Moulineaux. L’objectif est d’atteindre 50 au printemps 2017.
Commencé avec un projet de récupération de la chaleur résiduelle du métro de Londres pour son utilisation dans des logements, le programme a développé une palette de technologies et d’outils appelés « demonstrators » en anglais. Cela va de la captation de chaleur produite par un data center de Rotterdam au refroidissement de la ville grâce à la température de la rivière qui la traverse (car le même principe peut être utilisé pour le froid comme pour le chaud), en passant par la connexion de réseaux de chaleurs appartenant à différentes municipalités dans la région de Göteborg.
Développement récent et prometteur, le stockage à court terme consiste à chauffer un bâtiment quand la demande est basse et donc l’énergie bon marché (dans la journée, pour un immeuble de logements) pour le chauffer le soir. Cette pratique de quartier intelligent permet d’éliminer les pics c’est à dire les périodes qui coûtent le plus cher et polluent le plus.
Les réseaux de chaleur couvrent 13% des besoins de l’Europe mais leur usage est bien plus développé au nord, dans le centre et à l’est. Une des raisons, m’a expliqué Folland, étant que c’est beaucoup plus facile à gérer quand le rôle de l’État ou des services publics est important. « A Londres, tout est privatisé ce qui complique tout. Il faut beaucoup de coordination et beaucoup de confiance. A Göteborg, par contre, Gothenburg Energi, l’entreprise municipale chargée de la gestion de l’énergie possède toutes les installations et la ville est propriétaire de la compagnie d’énergie ».
Le qualificatif « résiduelle » peut tromper. Le potentiel est énorme et toutes les villes peuvent être intéressées. Pour Folland, « si elle était récupérée, toute la chaleur gaspillée en Europe permettrait de chauffer la totalité du bâti » sur le continent. Une étude utilisée par l’association internationale Euroheat & Power affirme même qu’une avance systématique dans ce domaine permettrait « d’éviter de produire 400 millions de tonnes de CO2 par an ce qui correspond à une réduction de 9,3% du CO2 émis » en 2014.
Le plus étonnant dans ce que certains présente comme une « innovation » de nos villes intelligentes est, qu’elle est « pratiquée en Suède depuis les années quarante » explique Katrina Folland. Mais les innovations ne sont-elles pas toujours un assemblage d’éléments qui ne sont pas tous nouveaux…
Photo Wikimedia Schéma de principe d’un réseau de chaleur
Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 19 janvier 2016.