Les avatars spectaculaires de la bulle aidant, on a trop souvent tendance à associer la naissance de l’ordinateur personnel et de l’internet à quelques capitaines d’industrie et à leurs histoires de gros sous. Les gauchistes technophobes rappellent, à juste titre, la participation du Pentagone.
Mais tout le monde a tendance à oublier les hippies pacifistes et consommateurs de LSD. Ils ont pourtant joué un rôle central assez peu connu qui nous concerne tous dans la mesure où il permet de mieux comprendre certaines des tensions les plus importantes d’aujourd’hui. Celles qui concernent la propriété intellectuelle par exemple.
Un livre sorti au mois d’avril sous le titre What the Dormouse Said, How the 60s Counterculture Shaped the Personal Computer Industry (Viking), nous permet enfin de nous faire une idée précise des circonstances curieuses qui permettent d’affirmer que tout s’est joué dans les années soixante dans un cercle d’un rayon de 8km autour de Kepler Bookstore, une librairie qui se trouve elle-même à porté de l’université de Stanford et des deux institutions s’où sont sortis les concepts et les produits essentiels : le Stanford Research Institute (SRI) et le Palo Alto Research Center (PARC) de Xerox.
John Markoff, l’auteur, couvre les technologies de l’information pour le New York Times. Il est le jeune doyen de tous les journalistes qui suivent l’activité de la Silicon Valley. Il parle dans son livre des contrats du Pentagone et des hommes d’affaires, mais il se consacre surtout à développer un thème lancé par un article publié par Time Magazine en 1995 sous le tire « Nous devons tout ça aux hippies ».
Le livre est un enchaînement facile à lire de grands et de petits moments depuis la première expérience de Stewart Brand (créateur du Whole Earth Catalogue, la bible des hippies) avec le LSD jusqu’à la conférence historique du 9 décembre 1968 au Brooks Hall auditorium de San Francisco par Doug Engelbart: la première démo d’informatique personnelle.
Je reviendrai demain sur cette conférence et sur quelques unes des informations précieuses apportées par ce livre fascinant qui permet de mieux comprendre que l’informatique personnelle n’est pas entièrement contrôlée ni, sans doute contrôlable, et pourquoi il y a tant de batailles essentielles à livrer… qui peuvent être gagnées.