Faut-il un code de conduite pour les blogueurs ? Une charte néthique, telle qu’elle est promue depuis pas mal de temps par les humains associés ?
Ma position est claire : je ne vois pas l’intérêt d’afficher sur mon blog un bouton néthique ou un quelconque code de bonne conduite universel. Je suis de ce point de vue très proche de la position de Jeff Jarvis . La blogosphère n’est pas un media homogène de professionnels, mais un espace d’échanges entre individus, comme l’est la vie réelle. La diversité d’intérêts des blogs empêche un code déontologique. Ça n’en fait pas une jungle anarchiste pour autant.
Sur mon balcon, sur ma voiture, sur mon agenda, je n’affiche pas une étiquette « j’agis de manière éthique ». Je vis, je respecte la loi. Sur mon blog, c’est pareil. C’est un espace, où l’on discute, pas une publication officielle professionnelle. La loi s’y applique, je ne ressens pas le besoin de le crier haut et fort.
Je ne diffame pas, je n’injurie pas. J’effectue une police modérée des commentaires de mes visiteurs, qui a pour objectif essentiel de nettoyer les publicités intempestives et de tenter de créer une discussion. Je n’ai pas besoin de blason pour cela, qui me dise des règles que je n’approuve pas en totalité (l’anonymat n’est, par exemple, pas un problème, ni quelques digresseurs habitués, ni quelques échanges parfois un peu chauds).
L’adoption d’une charte ne résout rien. J’en ai un exemple très clair. Un blogueur ayant adopté la charte néthique sur son blog, l’affichant clairement, a posté un billet où il m’injurie, me diffame, et fait circuler une rumeur infondée sur mon compte. Toutes choses déconseillées par la fameuse charte. Cela parle tout seul : la charte ne sert à rien.
Une telle charte peut même faire croire que les blogs formeraient un espace où la loi ne suffirait pas, une jungle abominable remplie de mauvaises intentions, croire que l’éthique peut remplacer la répression et le rapport de forces. C’est une conception fausse. On peut appliquer la loi. Et chacun est libre de savoir les types de comportements qu’il souhaite chez lui.
Une telle charte pourrait créer l’illusion d’une séparation de la blogosphère en deux. D’un coté les gentils blogueurs néthiques, et fréquentables. De l’autre, la jungle du racisme et de la diffamation, comme semblaient l’impliquer Natacha et Quiterie. Ce serait méconnaître l’immense diversité des blogs, où l’on n’est pas forcément soit dans le débat soit dans l’insulte. On y crie, on y rigole, on y pleure, on y lit des trucs drôles, crus, émouvants, et on n’y mène pas que des débats constructifs, comme dans la vie (qu’elle serait ennuyeuse !). Un blog non « néthique » n’est pas nécessairement un blog inutile, et l’inverse vaut.
Enfin, la charte néthique française est aujourd’hui un fourre-tout mal rédigé. Elle mélange des objets de civilité, qui relèvent du choix individuel, d’autres de « pratique professionnelle » du blogging, comme celle de vérifier ses sources, et d’autres de politique personnelle d’échange, comme la gestion de l’anonymat. Elle n’est pas vraiment une charte, puisque le signataire ne s’engage pas, mais suit simplement des conseils qui lui sont adressés. Elle méconnait la répression, puisqu’aucune vérification n’est effectuée sur le comportement du signataire. Elle devrait clarifier son statut : lieu de réflexion sur la civilité ? Endroit d’engagement personnel ? Lieu où l’on tenterait de définir des normes pour les comportements sociaux en ligne, au delà de la loi ?
Réfléchir à la civilité, très bien. Faire croire que l’on peut, en dehors d’un cadre démocratique et au delà des lois qui s’appliquent déjà, appliquer des normes à des comportements sociaux est, au mieux naïf, sans doute illusoire, au pire dangereux.
Versac est un blogueur connu et respecté de beaucoup d’entre vous. Les autres trouveront toutes les informations voulues sur cette page de son site.
Sans le connaître personnellement, je l’ai invité à nous dire sur Transnets pourquoi il est contre le Code de conduite pour blogueurs proposé par Tim O’Reilly (voir aussi cette mise à jour ) et sur la Charte Néthique défendue ici aussi par Natacha Quester-Séméon et Quitterie Delmas.
La discussion, bien sûr, continue…
[Mise à jour: photo Laurent Gloaguen©]