Comment changer le fonctionnement des entreprises

J’ai osé dire dans ces colonnes que « les élites françaises, dans leur majorité, n’ont pas encore assimilé que le digital invite à penser différemment, et nous oblige à agir en conséquence ».

Permettez moi d’insister : c’est particulièrement vrai pour les patrons qui doivent apprendre à organiser différemment leurs entreprises.

  • « Les processus existants qui imposent la bureaucratie, et les structures de commandement et de contrôle […] sont encore largement la norme parmi les grandes entreprises » estime Aaron Dignan (@aarondignan), CEO de Undercurrent, une boîte de consultants en organisation. Or ces processus sont autant de boulets parce qu’ils sont liés à l’ère de la production industrielle de masse.
  • Un des problèmes particuliers de la France est que les entreprises les plus innovantes sont aussi les plus grosses, les plus vieilles et les plus hiérarchisées. C’est ça qui doit changer.

La plupart confie l’innovation à un département de R&D sans comprendre que tout leur fonctionnement est en jeu : leur « modèle d’opération » (Operating Model), comparable au « système d’exploitation » (Operating System) de nos ordinateurs.

Pour Dignan :

  • « Les entreprises qui ont le plus d’impact et qui croissent le plus vite aujourd’hui utilisent un modèle d’exploitation complètement différent [du modèle hiérarchique]. »
  • « Ce sont des machines à apprendre « maigres et méchantes » (lean and mean). »
  • « Elles ont un parti pris intense en faveur de l’action et une réelle tolérance du risque, qui se manifeste dans l’expérimentation fréquente et l’implacable itération des produits. »
  • « Elles bidouillent (hack) produits et services, les testent et les améliorent pendant que leurs compétiteurs qui fonctionnent comme hier (legacy competition) affinent leur PowerPoints. »

Mais alors comment faut-il s’organiser ? Dignan propose différents modèles inspirés de sociétés à succès : Zappos (qui vend des chaussures et des vêtements online), Spotify qui a bouleversé la consommation de la musique et Valve, une productrice de jeux. Avec des variations, elles ont en commun de :

  • Chercher à distribuer autorité et autonomie en les confiant aux individus et aux équipes.
  • Elles permettent que la nature changeante du travail […] ait un impact sur la structure des rôles et des équipes.
  • Elles valorisent la transparence et la communication fluide.
  • Elles permettent aux individus de travailler dans plusieurs groupes.
  • Elles réduisent le rôle de la direction aux problèmes de stratégies exigeant une vue d’ensemble et laissent tous les autres se résoudre à la marge.

La force d’une telle approche est qu’elle correspond à ce que l’économiste Nassim Nicholas Taleb qualifie de systèmes « antifragiles », capables de tirer parti des évènements imprévus, comme des erreurs. Ils favorisent en permanence les variations pour assurer l’émergence de mutations quand les circonstances l’exigent.

Ah, j’oubliais, Taleb est aussi un des rares qui ait prévu la crise économiques des années 2008-2010. Ça vaut peut-être la peine de l’écouter.

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Crédit photo : CC/Javier Pincemin

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...