Casablanca – Sec, légèrement barbu, Adnane Charafeddine a le regard intense de celui qui a une vision. Et pourtant, quand il me présente sa méthode d’innovation, les bras m’en tombent : son art consiste à copier. C’est ça qui lui a permis de lancerQuelleVoiture.ma, un site social qui réunit vendeurs et acheteurs de voitures en permettant à ces derniers de s’informer sur ce qui existe, se renseigner sur le bolide qu’ils rêvent d’acquérir et gérer la bagnole qu’ils ont les moyens de s’offrir.

« Nous copions bêtement et méchamment ce qui se fait ailleurs » explique-t-il – en l’occurrence quelques magazines automobiles et autres sites spécialisés. « Nous identifions ce qui se fait de mieux. Nous copions puis nous observons. C’est ma méthode. » J’en parle plus en détail dans l’article publié ce vendredi sans le supplément Science & Techno du quotidien en la comparant avec celle de deux autres entrepreneurs de Casa (article payant). Ça fait réfléchir.

[Podcast sur ma participation à l’Atelier des médias de RFI avec, en prime, des éléments sur le « making of » de ce périple…]

Parti pour faire un tour du monde de l’innovation je me rends compte dès la deuxième étape que la question est mal posée… et je me demande comment rectifier le tir.

Après quinze ans passés dans la région de San Francisco, j’ai acquis, à tort, l’habitude de la concevoir comme ce qui n’existait pas avant. Ce faux rêve colle à la peau comme me le fait remarquer avec un gentil sourire Mohamed Oumazir qui m’a aidé à rencontrer Adnane et les autres.

Le grand Steve Jobs lui-même n’a-t-il pas trouvé souris et interface graphique dans les laboratoires de Xerox Parc ? C’est le métissage qu’il en fait dans le Mac qui a bouleversé l’ordinateur personnel. L’innovation est dans l’assemblage et la mise sur le marché. Or tout marché est par définition relatif.

En fait, même s’ils sont le plus souvent moins provocateurs qu’Adnane, les gens que je rencontre semblent plutôt sur la même longueur d’onde… avec des variations que je vais devoir apprendre à déchiffrer.

C’est le cas, par exemple, de Carla Gómez Monroy, ex étudiante du Media Lab du Massachussetts Institute of Technology qui m’avait raconté à Mexico que si son pays manquait de capital audacieux (mes termes) et d’incitation à l’innovation elle était fascinée par les bidouillages de ses concitoyens, des trouvailles ordinaires « qui n’ont rien d’extraordinaire mais résolvent des problèmes concrets ».

Copier puis modifier et modifier en assemblant ne sont peut-être pas des entreprises si différentes… Wikipedia en anglais nous dit que le terme vient du latin « innovatus » renouveler ou changer.

Nous avons ainsi au moins deux pistes : innover c’est introduire sur un marché quelque chose qui n’existait pas auparavant. C’est aussi résoudre des problèmes concrets d’une façon nouvelle dans un espace donné.

Nous en arrivons ainsi au fait que San Francisco innove pour sa population de geeks et à le moyen de distribuer ses produits et services ainsi transformés sur plein de marchés. Mais Casablanca, Nairobi, Bombay ou Shenzhen n’en innovent pas moins… pour leurs propres multitudes… de plus en plus connectées entre elles.

Je me trompe peut-être… dites nous.

[Photo : capture d’écran du site QuelleVoiture.ma]

 

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...