Il s’en prend à tout ce qui est susceptible de faire peur dans le mid-west (qui vote républicain), la bible belt (le sud croyant), les médias traditionnels et, d’une façon plus générale, les bien pensants du monde d’hier et les effarouchés de celui de demain. « Des adolescents hypersexués aux voleurs d’identité, aux joueurs compulsifs et aux accros de tous acabit, web 2.0 est en train de défaire la trame morale de notre société. Son pouvoir de séduction nous entraîne à laisser s’exprimer nos instincts les plus déviants et nous permet de succomber à nos vices les plus destructifs. Il corrode et corrompt les values que nous partageons en tant que nation ».
Dans une section sur « Le sexe est partout » Keen se pose en bon père de famille, (moi aussi… mais pas de la même façon). Il dénonce « la pornographie générée par les usagers ». Il soutient que « le sexe omniprésent sur l’internet et le contenu hypersexuel des sites de réseaux sociaux accélère le développement sexuel et social des enfants de manière dangereuse. » Pourquoi ne pas les ouvrir à la notion de plaisir, leur enseigner le discernement, leur montrer comment traverser cette immense esplanade qu’est le web en leur signalant les dangers qui les menacent et qu’ils peuvent apprendre à éviter, détourner, combattre quand il le faut?
Il invoque pour sa défense une baronne de la Chambre des Lords. Et son humour britannique, souvent délicieux, donne dans la caricature quand il choisit des exemples macabres comme le bon élève qui attaque une vraie banque pour payer ses dettes au poker online… horrible parce qu’il est sur le web, plus encore que parce qu’il est poker… Le reste n’existe pas ou n’est mentionné que sous la forme de précautions oratoires du genre, ‘bien sûr il y a de bonnes choses, mais ce qui compte c’est ce dont je vous parle, ce sont les exemples que je vous donne’.
Lors de notre rencontre, Keen m’a précisé que son livre était plus une critique culturelle qu’une critique de la technologie. Mais les technologies de web 2.0 telles que les mashups, qui réunissent des informations en provenance de plusieurs sources, et les pratiques courantes de remix, d’emprunts, de copie, qu’il met toutes dans le même sac en les qualifiant de « vol de la propriété intellectuelle » sont, selon lui, « l’activité la plus répandue sur l’internet. Elle est en train de refaçonner et de dénaturer les valeurs essentielles de notre culture ».
C’est ce qui arrive quand, dépravation suprême, certains pasteurs s’inspirent pour leurs sermons d’homélies prononcées par d’autres, ailleurs, et publiées sur le web. Seuls les petits pains peuvent être multipliés.
Keen prétend être drôle, si seulement il y parvenait…