Tout a commencé par une très ordinaire rivalité de développeurs. Deux jeunes qui affirment  à peu près au même moment être le premier développeur africain de jeux. Pas de risque d’en venir aux poings puisqu’un continent les sépare: l’un habite Accra au Ghana et l’autre Nairobi au Kenya. Et ça n’était pas dans leur style.

Réaliser leur rivalité les a piqué bien sûr et ils ont discuté pour savoir si ce qui compte c’est d’être le premier à mettre un jeu sur le marché ou le premier à l’avoir construit à partir de rien, sans utiliser aucun module disponible sur le web. Ça leur permet de revendiquer chacun son titre. Chacun a sa version et nul n’est tenu de choisir.

« Je me sentais seul. Ça m’a fait plaisir de découvrir un autre africain passionné par le développement de jeux » m’a expliqué Wesley Kirinya à Nairobi où il vit. « Alors nous avons commencé par tchatter de temps à autre. » Ça se passait en 2007.

Mais Eyram Tawia, le ghanéen que j’ai rencontré à Accra, a eu la chance d’être sélectionné pour participer à une école de technologie, puis à un incubateur financé et organisé par Meltwater.com une entreprise norvégienne installée à San Francisco.

Au bout de quelques mois il est parvenu à intéresser les responsables de l’intérêt qu’il y aurait à unir leurs efforts. Les deux développeurs se sont donc retrouvés à Accra et ont décidé de créer une entreprise commune: LetiGames.com.

Leur premier produit a été lancé juste avant la coupe africaine de foot sous le nom deStreetSoccerBattles.com ou comment s’affronter à plusieurs au foot, dans la rue.

Ils ont depuis lancé iWarrior pour l’iPhone. « Nous voulons montrer comment les safaris se déroulent vraiment, comment les paysans défendent leurs récoltes et leurs villages contre les animaux, » m’a expliqué Eyram à Accra. « Nos dessins reprennent des images traditionnelles et très africaines. »

Prochaine étape les jeux éducatifs.

L’objectif pour Eyram « n’est pas seulement de faire des jeux pour les Africains mais des jeux faits en Afrique capables d’entrer en compétition sur le marché global. »

« Plus qu’une compagnie, nous sommes en train de construire une industrie toute entière, » m’a affirmé Wesley, en écho, à Nairobi.

L’énorme problème – je l’ai retrouvé dans plein de cas – c’est qu’il n’y a pas de contexte, pas d’environnement. Les créateurs, les entrepreneurs sont légions. La réduction des coûts et la multiplication des efforts collectifs, soutenus ou non par l’étranger, leur permet de se lancer. Mais ils doivent le plus souvent créer l’écosystème dont toute initiative de ce genre a besoin pour exister puis prospérer.

Ça réveille, non ?

[Photo de Francis Pisani]

 

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...