Même la mendicité a fait son apparition sur l’internet. Des centaines de sites demandent une contribution volontaire sans rien offrir en échange si ce n’est, parfois, une histoire à faire pleurer les cœurs sensibles.

San Francisco, Californie, 28.abr.03

L’art consiste à émouvoir mais l’entreprise repose sur des calculs simples qui ont inspiré plus d’une dotcom. Puisque des centaines de millions de personnes se connectent à l’internet, il devrait suffire qu’un nombre infime d’entre elles donnent une somme minime pour faire la fortune d’un site. Rich Smidt, un des pionniers avec son site sendmeadollar.com est parti de l’idée « Si seulement un pour cent d’entre eux m’envoie un dollar… »

« Ne m’ôtez pas le dernier espoir de jouir de la vie, de voir le soleil du printemps autrement qu’au travers d’une fenêtre d’hôpital, » écrit Zaneta Zmoginaite une lithuanienne de 19 ans victime qui cherche à financer le traitement contre la leucémie dont elle est victime. Une autre jeune femme qui, drame extrême quand on vit du côté de Los Angeles, souffre de ses seins menus, cherche à obtenir de l’argent pour en augmenter le volume. Les demandeurs d’aident invoquent les raisons les plus variées: étudier, divorcer, obtenir un traitement contre l’infertilité, etc.

La cybermendicité est en fait une mendicité des classes moyennes. Karyn Bosnak, la cybermendiante (on hésite à employer le terme) la plus connue, travaille à New York pour la télévision mais, entraînée par sa passion des fanfreluches – dont certaines en provenance de chez Gucci – elle avait accumulé plus de 20.000 dollars de dettes. Son site, rédigé avec humour, lui a valu un article dans la revue People et une apparition à la télévision. Elle a fini de payer ses dettes et semble sur le point d’obtenir un contrat pour écrire un livre, et peut-être même faire un film, sur son expérience.

La charité est un mécanisme essentiel aux États-Unis où elle est censée compenser à la fois la richesse et la faiblesse relative de l’État. Et beaucoup n’aiment pas donner, comme c’est courant ici, à des organisations charitables dont les frais de fonctionnement sont trop lourds. Aider directement une personne qui en a besoin leur paraît préférable. Mais, à part Bosnak, la plupart des sites ne reçoivent presque rien (si l’on excepte amis et famille). Ceux qui récoltent quelques centaines de dollars peuvent s’estimer heureux. Une poignée d’entre eux en ont reçu quelques milliers… sur plusieurs années.

Les cybermendiants acceptent aussi bien les chèques envoyés par la poste que les donations en nature. Ils préfèrent les méthodes électroniques tel que PayPal ou le Honor System de Amazon.com.

Le bouche à oreille entre personnes charitables émues par une histoire dramatique permet aux plus talentueux et aux plus sincères de rompre l’anonymat. La solidarité fait le reste. Beaucoup d’entre eux se constituent en réseau, chaque site offrant des liens à d’autres semblables.

Faute de faire appel à la pitié, certains ont recours à une désarmante franchise. Un couple du Michigan demande « votre argent pour que nous puissions démissionner et voir le monde pendant un an. » Deux joyeux compères, par ailleurs critiques de cinéma, se déclarent sans ambages Fat & Lazy (gras et paresseux) et vont encore plus loin quand ils écrivent: « Tous les fonds que vous nous enverrez seront utilisés à l’achat d’alcool, de drogues ou de pornographie. » L’honnêteté comme l’humour méritent récompense

Créé en décembre 2002, Cyberbeg.com, a enregistré plus de 700 sites de cybermendiants. Un des plus populaires est Cyberbeggar.biz. Il réussit mieux ce qui n’est sans doute pas anodin, que le plus ancien Cyberbeggar.org. Il s’agit d’une sorte d’annuaire qui classe les sites de cybermendiants par catégories, depuis les « timides » qui se contenteraient d’un dollar jusqu’aux « rêveurs » qui voudraient une voiture de sport ou celui qui demande notre aide à tous (il en a bien besoin) pour devenir plus riche que Bill Gates. L’adresse email de la webmaîtresse est « ladyshark », dame requin.

e-panhandling.com (to panhandle en anglais veut dire demander l’aumoône) se présente comme « un forum pour pages personnelles, sites financés par des donnations et petites start-ups dans le commerce électronique ». Les pages ont un peu de publicité et Todd Garrison, le fondateur, donne des conseils aux personnes entreprenantes qui voudraient entreprendre quelque chose de semblable. Entreprendre comme dans entrepreneur.

Rich Smidt

Karyn Bosnak

Zaneta Zmoginaite

B. Fatt & Lazy

PayPal

Amazon.com Honor System

Cyberbeg.com

Cyberbeggar.biz

Cyberbeggar.org

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...