Samedi après-midi, alors qu’il participait à une commémoration historique Yannis Boutaris, maire de Tessalonique a été roué de coups de pieds et de pierres par une douzaine de nationalistes grecs. Âgé de 75 ans l’homme est tombé au sol avant d’être transporté à l’hôpital où il a été traité pour ses multiples concussions. « J’ai vécu un cauchemar. Ils m’ont frappé partout » a-t-il déclaré à sa sortie.

Le gouvernement d’Alexis Tsipras a dénoncé l’attaque comme étant le fait de « voyous d’extrême-droite ». Le maire d’Athènes, qui a lui-même été violemment pris à parti plusieurs fois, dénonce « une menace contre la démocratie et la société » d’autant plus inquiétante qu’elle est de plus en plus fréquente. Ourania Michaloliakou, fille du fondateur du parti néo-nazi Aube dorée, en a cependant profité pour accuser Boutaris d’« anti-grec ».

 

Personnage légendaire

Homme d’affaire converti à la politique sur le tard, connu pour son franc parler, et ses prises de positions anticonformistes, Yannis Boutaris aime bousculer les symboles reçus. Il s’est, par exemple, prononcé pour donner le nom de Kemal Ataturk (le fondateur laïc de la Turquie moderne) a une place de cette ville dans laquelle il est né. Et, pour marquer son désaccord avec la non reconnaissance de la responsabilité gouvernementale dans les déportations opérées par les nazis à partir de 1943, Boutaris s’est plusieurs fois baladé avec une kippa.

Thessalonique a été longtemps partie de l’empire turc. Elle a été aussi le siège de la plus grande ville diasporique d’Europe pendant plusieurs siècles. Les juifs venus d’Espagne après la reconquête de 1492 y avaient en effet trouvé refuge.

« Yannis Boutaris est une sorte de personnage légendaire » nous a écrit Amalia Zepou, adjointe au maire d’Athènes et membre du jury Le Monde – Smart Cities. Il a ré-ouvert cette ville au fort passé multiculturel à d’autres populations. Il a aussi ouvert la ville aux turcs et s’est efforcé de la rendre accueillante pour les réfugiés qui, venus des régions en guerredu Moyen-Orient, ont pris le chemin de l’Europe par la Turquie dont Thessalonique est la ville la plus proche.

 

Prix spécial du Jury Le Monde – Smart Cities

C’est bien pour cela que le Jury Le Monde – Smart Cities a décidé de lui attribuer son prix spécial. Un prix choisi parmi des propositions faites par ses membres hors de toute candidature extérieure.

Il nous est apparu cette année qu’il était important de rendre hommage à cette ville de taille moyenne située dans un pays en proie à des difficultés économiques sérieuses sur l’un des chemins les plus fréquentés par les réfugiés en provenance du Moyen-Orient. Des difficultés qui s’avèrent, en outre, politiques et culturelles.

Parmi les actions remarquables nous avons noté l’effort pour éviter les camps et les maintenir en milieu urbain, c’est-à-dire près des sources de travail, des possibilités d’apprendre et de s’intégrer à de multiples réseaux locaux. Dans des conditions toujours insuffisantes, la municipalité a collaboré avec différents réseaux de solidarité et avec des institutions charitables parvenant ainsi à mobiliser des contributions de différentes origines.

 

Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 21 mai 2018.

 

Photo : Yiannis Boutaris (Commons Wikimedia)

 

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...