A chacune des escales de mon tour du monde de l’innovation j’ai rencontré des gens venus d’ailleurs avec le souci de résoudre les problèmes du lieu et/ou de saisir les opportunités qui s’y offrent.L’Asie du Sud-Est et la Chine semblent particulièrement attirer ces jeunes knowmads.A Saigon, où j’ai visité la fabrique de chocolat de Vincent Mourou et Samuel Maruta , j’ai aussi pu interviewer Bryan Peltz, étatsunien, co-fondateur de VNG.com.vn la plus grosse compagnie online du Vietnam qui se consacre à une nouvelle startup Klamr.to dont l’application permet d’organiser des activités entre amis.A Manille le canadien Stephen Jagger, a cofondé PayRollHero.com pour optimiser la productivité « dans la joie » et l’allemand Christian Besler vice président de Kickstart.ph, une entreprise qui a pour mission d’aider les technopreneurs locaux.A Singapour, le britannique Hugh Mason m’a expliqué comment il misait sur les jeunes pousses locales avec son fond intitulé Joyful Frog Digital Incubator.A Hong Kong Andrea Livotto, italien formé en Grande Bretagne vient de lancer Perpetu.co (pour maîtriser sa page Facebook après son décès) alors que Jonathan Buford, étatsunien, lance la Makibox, une imprimante 3D pour 300 US Dollars.À ces « expats » il convient d’ajouter les jeunes qui rentrent au bercail après des études à l’étranger. C’est le cas de Jing Zhou qui, de New York est revenue à Shanghai terroir plus fertile, selon elle aux innovations perturbatrices comme Pondora son projet de réseau social exclusivement réservé aux femmes et limité, chaque fois, à l’intéressée et ses trois meilleures amies.Puis il y a les « returnees ». Des professionnels qui après avoir exercé plusieurs années à l’étranger reviennent faire bénéficier leur pays natal de l’expérience acquise. Tel est le cas de Adel Youssef, Google Fellow revenu créer à Alexandrie Intafeen.com, une plateforme de géolocalisation pour le monde arabe. A Manille, Paul Rivera, citoyen américain, est revenu pour lancer Kalibrr.com un site qui aide les jeunes philippins à mesurer leurs capacités avant de trouver du travail.Le rôle clé des étrangers est une des caractéristiques de Silicon Valley. Songez-y. Yahoo a été co-fondée par Jerry Yang, né à Taiwan. Né en Russie Sergueï Brin est l’un des deux fondateurs de Google. Instagram aussi a beneficié d’un « autre » co-fondateur, le Brésilien Michel Krieger, venu finir ses études à Stanford. Quant au finlandais Linus Torvalds, père de Linux, il s’est installé en Californie à 27 ans.Les statistiques sont impressionnantes. 24% des startups fondées dans la région entre 1980 et 1998 avaient des co-fondateurs Indiens ou Chinois. 52% des startups créées entre 1990 et 2005 avaient des co-fondateurs étrangers (26% étaient Indiens).Mais de 2005 à 2014 la proportion est retombée à 44% en raison des restrictions migratoires imposées par le gouvernement des Etats-Unis. Beaucoup de gens s’en inquiètent. Pourquoi?Parce que ces migrants contribuent par leur seule participation à la diversité indispensable à tout climat d’innovation. Ils constituent des ponts naturels entre réseaux différents qu’ils contribuent à enrichir d’autant. Une position stratégique.Le brassage est en fait si prometteur que certains se consacrent à en l’encourager, à en tirer le plus grand parti possible.The Indus Entrepreneurs (TIE) est un réseau indien dans lequel ceux qui ont réussi « ailleurs » servent de mentors à ceux qui essayent de se lancer. L’organisation compte aujourd’hui 13.000 membres et 57 chapitres dans 14 pays.A Rio de Janeiro 21212.com (le code téléphonique de New York et celui de Rio) est un accélérateur créé par un Américain – Benjamin White – et un Brésilien – Frederico Lacerda – pour permettre aux cultures des deux villes de tirer le meilleur parti des opportunités et du savoir faire de l’une comme de l’autre.L’exemple le plus systématique nous est fourni par Startup Chile qui pour rompre l’isolement du pays offre des bourses de 40.000 dollars par an a plus de 300 startups venues du monde entier à condition que les fondateurs viennent passer 6 mois sur place pour y enrichir l’écosystème de l’innovation.Tous les pays ne se trouvent pas dans la situation géographique du Chili mais tous gagneraient sans doute, comme le montre Silicon Valley, en faisant ce qu’il faut pour attirer ces talents venus d’ailleurs…
J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,... Plus par Francis Pisani