La nouvelle est apparemment bonne. Dans la maison numérique de demain (d’ici trois ans environ) tous les appareils communiqueront sans peine. Passer alors du magnétoscope DVD à l’ordinateur, du téléphone portable à l’imprimante ou voir les photos que vous venez de prendre sur l’écran de télévision sera à la portée des grands-mères les plus allergiques à l’électronique. Les plus grosses entreprises intéressées viennent d’annoncer la formation d’un groupe de travail pour résoudre les problèmes que cela pose. Il se propose, par la même occasion, d’en profiter pour mieux contrôler la façon dont nous utilisons le contenu digital.

San Francisco, 7.juil.03

C’est dans les salons d’un grand hôtel de San Francisco que, le mardi 24 juin, HP, Intel, Microsoft, Nokia, Samsung, Sony et quelques autres ont annoncé la création du groupe de travail pour la maison numérique (Digital Home Working Group, DHGP). Sa mission est de promouvoir des accords sur les normes permettant l’interopérabilité, la possibilité pour les appareils de communiquer entre eux. Le but est de simplifier l’échange de contenu entre les différents appareils du foyer qu’il s’agisse de musique, de photos ou de vidéos numérisées, qu’on veuille les voir ou les entendre sur l’ordinateur, la télé, le téléphone portable ou tout autre gadget plus ou moins utile.

La proposition est alléchante. Maître de cérémonie pour l’occasion, Paul Saffo, le prévisionniste bien connu (il n’aime pas qu’on le qualifie de futurologue) a introduit le sujet avec humour: « J’ai une vision dystopienne d’un Noël prochain dans laquelle aucun des nouveaux appareils reçus ne seraient capables de communiquer entre eux alors que l’aspirateur robot, hors de contrôle, se lancerait à la poursuite du chat. C’est pour éviter ça que nous sommes ici aujourd’hui. »

Porté par l’adoption des lignes à haut débit et le succès des communications wireless l’achat de réseaux domestiques a augmenté (aux États Unis) de 60% l’an dernier si l’on en croit le cabinet de recherche Yankee Group. Le nombre de foyers ainsi équipés devrait être multiplié par cinq entre 2002 et 2005.
Expliquée par Scott Smyers, représentant de Sony et président du groupe de travail, la stratégie consiste à « se référer à des normes existantes et à donner des lignes directrices de mise en œuvre qui seront suivies de tests ». Les normes en question abondent mais elles sont souvent contradictoires et selon le SHWG elles sont « insuffisantes pour assurer l’interopérabilité. » Elles sont, selon Chris Pedersen de HP, « trop flexibles ». L’effort portera pour l’essentiel sur les détails de mise en œuvre de l’Internet Protocol (IP) qui permet les communications sur l’internet, le Plug and Play qui permet à un ordinateur de reconnaître et de faire fonctionner un périphérique à l’instant où on le connecte, et WiFi la technologie de communication sans fil.

Le Dr KS Lee, vice-président de Samsung a déclaré que « ça va marcher parce que la technologie est mure et abordable, que les compagnies les plus importantes participent à cet effort et parce que nous ne nous proposons pas de lancer de nouvelles normes. »

La présence des rivaux de toujours sur une même estrade était un joli spectacle résumé par une formule à la mode de Jean Marc Matteini de Philips: « il s’agit de coopétition ». L’idée est bonne mais il suffit rarement de vouloir.

Plus encore que des doutes, les consommateurs sont fondés à avoir des inquiétudes dans la mesure où l’initiative devrait à terme, renforcer la capacité de contrôle de ces sociétés sur la façon dont nous utilisons leurs appareils et le contenu qu’elles fournissent. C’est Alexander Wolfe de la revue Embedded-Watch qui, quelques jours avant la présentation officielle avait remarqué que les différentes machines peuvent déjà lire des fichiers MP3, c’est précisément à cela que servent les normes. « Mais ce qu’elles ne font pas très bien – et ce que des compagnies comme Microsoft et Sony souhaitent apparemment qu’elles fassent mieux – c’est de réguler le transfert de tels fichiers (c’est à dire de les bloquer s’ils ont été téléchargés gratuitement sur KaZaa). »

De fait, Kevin Corbett, représentant de Intel a tenu à déclarer « Il sera plus facile de faire respecter les droits numériques et de protéger le contenu si nous garantissons l’interopérabilité au niveau de l’architecture. » Il entendait ainsi rassurer les entreprises de média absentes du groupe. Les utilisateurs, eux, sont sans doute fondés à s’inquiéter.

Digital Home Working Group
Embedded-Watch

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...