Article publié dans Le Monde daté du 11 février.

De loin, Dubaï semble avoir tout ce qu’il faut pour être un pôle d’innovation pour la région : l’argent (sauf pendant la crise de 2008 dont les conséquences dramatiques ont été évitées grâce à l’austère cousin d’Abou Dhabi, la fourmi de la fable), accompagné d’une sage volonté de se libérer de la manne pétrolière qui ne représente plus que moins de 5 % des recettes du pays. Sans oublier une belle concentration de cerveaux attirés du monde entier par un espace confortable, de jolis salaires et l’absence d’impôts.

La volonté de se transformer en pôle d’attraction se traduit notamment par la création d’Internet City, un espace bénéficiant de conditions économiques et infrastructurelles privilégiées attractives pour les grosses entreprises. Dans le même genre, on trouve une  » Media City « , un village du savoir, une ville de la santé et le Centre financier international.

 » L’objectif a été atteint, explique Joël Demay, d’IBM. Dubaï est le lieu de prédilection pour la création des sièges sociaux régionaux de Dell, Oracle, IBM, HP, SAP, Nokia…  » Constatation confirmée par Alfonso De Gaetano, responsable régional pour Google, qui estime que le lieu  » joue un rôle-clé comme siège des grandes entreprises globales, et pour les locales qui aspirent à devenir globales « .

Absence de commerce en ligne

La plus puissante, Emirates Airline, est essentielle dans l’effort de création d’infrastructures. Troisième du monde en importance, la compagnie aérienne croît à un rythme de 20 % par an et l’aviation constitue 28 % du produit national brut (PNB) du pays (The Economist). La population d’origine locale ne représente que 17 % du total et près des trois quarts des émigrés sont d’origine asiatique. La moitié vient de l’Inde.

L’impact sur l’innovation est moins clair. Prenons le cas du commerce en ligne. Prêts à réaliser leurs achats sur le Web – selon plusieurs témoignages -, les utilisateurs sont en avance sur les commerçants qui préfèrent les attirer dans les malls, lieux de divertissements importants pour les familles, qui font parfois le lien avec la tradition locale en prenant le nom de souks.

Cette absence de commerce en ligne commence à attirer l’attention des plus rusées. Ainsi Julie Leblan et Maurine Lombart, deux jeunes Françaises, viennent de créer MyList.ae, la première société de listes de cadeaux des Emirats, ouverte sur plusieurs magasins. Mais elles se plaignent de ce que  » la moindre démarche administrative est compliquée « , et la relation avec les banques un casse-tête.

Ce que confirme l’homme d’affaires et investisseur Prashant  » PK  » Gulati, pour qui Dubaï  » est trop cher pour les start-up. Sans compter que lancer une entreprise est très risqué « . Paradoxe : l’absence d’impôt attire les grosses boîtes, mais freine l’émergence de nouvelles compagnies car l’Etat trouve l’argent dont il a besoin en facturant les transactions administratives… y compris la création d’entreprise. Les deux seules sociétés locales connues dans le monde arabe sont Dubbizle.com, une sorte d’eBay, et Bayt.com pour la recherche d’emplois.

Il manque manifestement quelque chose. Pour PK Gulati,  » c’est une question d’état d’esprit. Certains pays ont compris qu’il fallait réduire les barrières à la création de petites entreprises : ainsi l’Inde, le Kenya, l’Afrique du Sud, où les gens peuvent créer une société en un jour, essayer « . D’où sa déception :  » Tous les fonds de Sand Hill Road – quartier des capital-risqueurs de la Silicon Valley – ont de l’argent du Golfe. Mais, ici, l’argent n’est pas disponible pour l’expérimentation. « 

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...