Eloge de la curiosité

Naturelle chez les enfants, peu encouragée dans l’enseignement, mal vue dans la plupart des institutions (privées et publiques), la curiosité a traditionnellement mauvaise cote. En français on dit volontiers qu’elle est un « vilain défaut ». Plus métaphorique, l’anglais dit qu’elle « a tué le chat« .

Et, signe patent de notre culture à dominante machiste, c’est toujours la faute des femmes. L’envie de goûter la pomme fait d’Ève la responsable de notre expulsion du jardin d’Eden. La curiosité de Pandore a lâché sur nous tous les maux de l’humanité.

Voilà qui nous prépare mal à survivre et prospérer par ces temps qui courent si vite. Car la curiosité est une fabuleuse recette pour:

  • Faire face à l’incertitude. Si le savoir permet de résoudre les problèmes en fonction des solutions passées, la curiosité permet d’en trouver de nouvelles.
  • Aborder les conflits avec un état d’esprit qui nous rend « plus créatif dans la recherche de solutions« .
  • Innover, pour la bonne raison, notamment, que la plupart des innovateurs semblent tenir leur talent de la capacité d’établir des connections entre des éléments disparates que seule leur curiosité permet de découvrir puis d’assembler.
  • De se lancer dans l’expérimentation avec l’espoir de trouver de nouvelles réponses concrètes permettant de changer la façon d’opérer dans le monde.

La curiosité commence à être reconnue comme un atout.

  • Avec la flexibilité et l’adaptabilité, elle est une des trois qualités essentielles des cadres supérieurs (executives) selon Boris Groysberg, professeur à la Harvard Business School. Il ne suffit plus de suivre ce qui se passe dans son domaine, ni même l’évolution du marché. Il est indispensable d’avoir « une curiosité intellectuelle développée » pour « anticiper les changements ».
  • Le quotient de curiosité (QC) commence à figurer à côté du quotient intellectuel et du quotient émotionnel. Ceux chez qui il est développé font preuve de deux grandes qualités : la « tolérance face à l’ambigüité », et la volonté « d’acquérir des connaissances » nouvelles, explique Tomas Chamorro-Premuzic dans un post de la Harvard Business Review intitulé « La curiosité est aussi importante que l’intelligence« .

La bonne nouvelle est qu’elle peut être développée, voir aiguisée. Ça commence, pour tout le monde, par le courage, le jeu, le retour à la curiosité de l’enfance. Et ça se développe par des exercices et des formations sur lesquelles nous reviendrons.

Le romancier portugais – un peuple de navigateurs – Eça de Queirós notait déjà que « la curiosité mène à tout : parfois à écouter aux portes, parfois à découvrir l’Amérique« . Le grand guru du management, Peter Drucker, n’a pas de doute : « Le leader du passé savait dire et raconter (tell). Le leader du futur saura demander et poser des questions » (ask).

Que faites vous donc, messieurs les dirigeants (il y a décidément trop peu de femmes) de Sanofi, Total, L’Oréal, Renault, BNP Paribas, et autres, pour développer votre curiosité et encourager celle de vos employés ?

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Crédit photo :Kangrex/CC/Flickr

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...