Le conformisme tue l’innovation. C’est facile à dire et à comprendre. Plus délicat d’en tirer les conséquences. Et pourtant les plus grands spécialistes conseillent d’encourager les tensions et chacun sait que l’avantage compétitif provient de différences qui peuvent paraître bizarres.
· Pour Linda Hill, professeure à la Business School de Harvard, les boîtes les plus créatives encouragent « l’abrasion ». On pourrait dire les frottements ou les égratignures créatives.
· Elle recommande les conflits comme source de créativité, et s’appuie pour le faire sur de minutieuses enquêtes, notamment chez Google et Pixar le studio dont Steve Jobs a été le patron.
· Hill part du même constat que Steven Johnson qui nous a expliqué dans son livre D’où viennent les bonnes idées que les innovations ne viennent pas d’un éclair de génie individuel mais d’un long travail collectif. Elle ajoute que ces grosses boîtes vont plus loin quand elles mettent des équipes en concurrences et les font s’affronter avec des propositions différentes. Les recherches de Linda Hill, qui vient de co-signer un livre intitulé Le génie collectif, rejoignent plein d’expériences ou de théories faites ou formulées ailleurs.
· Les Israéliens, par exemple, attribuent une grande partie de leur dynamisme au fait qu’ils s’affrontent sur tous les projets qu’ils lancent et laissent les désaccords se manifester.
· Toni Hsieh, le patron de Zappos, la première boîte qui soit parvenue à vendre des chaussures online, encourage ce qu’il appelle les « collisions » au sein de l’entreprise.
· On pense aussi à ce mot du musicien Brian Eno qui oppose le génie individuel – genius en anglais – au génie collectif qu’il baptise « scenius ». Linda Hill dit que les bons patrons « mettent les conflits en scène » sans éprouver le besoin d’utiliser cette dernière pour s’y présenter comme vedettes.
En clair, nous avons trop tendance à privilégier l’acceptation. Les tensions sont préférables (avec un peu d’encadrement). C’est aussi la source d’une pensée originale.
Ceux que cette idée de conflit effraie, mais qui se soucient « penser différemment », trouverons inspiration dans un conseil qui invite à rester « bizarre » (weird). · Il a été formulé par Joe Cotright du CityObservatory, une ONG de la ville de Portland dans l’État d’Oregon aux États-Unis.
· S’appuyant sur la théorie de l’économiste Michael Porter selon laquelle l’avantage compétitif provient de la différence, il ne conseille pas de chercher à être bizarre mais d’accepter ses bizarreries et d’en tirer parti.
· C’est vrai pour entreprises et startups. Ça l’est aussi pour nos cités dont l’a fameuse architecte newyorkaise Jane Jacobs disait : « Le plus grand atout d’une ville c’est ce qui la distingue de toutes les autres ».
La différence paie, et les différences – même quand elles choquent ou sont sources de conflits – doivent être encouragées, voir exploitées.
Le vrai leader pour Linda Hill, est un « architecte social » qui sait gérer, animer, tirer parti des différences, des conflits, des collisions, des égratignures au sein de son organisation.
Cet article a été publié par L’Opinion le 15 février 2015.