J’hésite à dire tout le mal que je pense du livre d’Andrew Keen dont j’annonce la critique depuis plusieurs jours (c’est pour ça que je suis en retard), pour la mauvaise raison que je l’ai rencontré et qu’il a tout fait pour se présenter sous un jour assez différent de celui qu’on découvre dans son bouquin.
L’ouvrage – The cult of the amateur, How today’s internet is destroying our culture (Le culte de l’amateur, comment l’internet d’aujourd’hui est en train de détruire notre culture) – fait beaucoup de bruit en ce moment.
Les médias traditionnels (à commencer par le New York Times ) s’empressent de lui dresser des lauriers pour la bonne raison qu’il s’en prend à ce qui les remet en question: l’internet et la culture de participation qu’il rend possible.
Et les conférences consacrées au web et aux TIC l’invitent pour bien montrer leur ouverture d’esprit, parce qu’il a de l’humour et sans doute, ne fût-ce qu’un peu, par masochisme puritain.
J’ai donc déjeuné avec lui (merci Éliane Fiolet ) et l’ai trouvé amusant, pas con. Il s’est même présenté comme un peu gêné par son livre que je n’avais pas encore fini. Il a commencé par dire que son idée de départ était plus intéressante en des termes dont il a sans doute pensé qu’ils pouvaient me convaincre: « Ma proposition était plus sophistiquée, plus sérieuse, plus abstraite, plus French. »
Il a pris tellement de distance avec son propre livre qu’à la fin je lui ai demandé s’il ne se sentait pas piégé par lui. A quoi il a répondu qu’il faisait tout pour en sortir.
Mais la lecture du livre est implacable: au nom de l’ordre moral et des valeurs traditionnelles du business bien pensant il démolit sans preuves et sans imagination tout ce qui se joue sur le web ralentissant ainsi les discussions sur les vrais problèmes.
Pourquoi vous dis-je tout ça? Parce que c’est un piège classique et pas nécessairement très connu du journaliste qui se laisse prendre aux bons côtés d’individus qu’il ou elle rencontre pour critiquer leur œuvre sur des bases plus solides.
Mais surtout parce que cela touche au cœur de son argument. Dénonçant l’irruption des amateurs sur la scène du débat public, il prône un véritable culte des experts… qu’un déjeuner (j’ai payé ma part) peut assez facilement amadouer.
Je vais maintenant pouvoir parler du livre…