[Article publié dans le supplément Science&Techno du Monde daté du 21 janvier]

Lancé en 2010 par deux jeunes français de 23 ans, Makesense.org aspire à aider les entrepreneurs sociaux du monde entier à mener à bien leurs projets avec l’aide de volontaires où qu’ils se trouvent. Ils ont, au passage, mis au point une nouvelle méthode de travail.
Christian Vanizette et Romain Ranguin se sont connus à l’Euromed, une école de commerce sise à Marseille. Les candidats sont choisis sur la base de leurs projets et l’enseignement s’adapte à ce dont ils ont besoin pour le réaliser. C’est donc « forcément pro-actif et forcément à la carte, » explique Christian, et différent des études de cas de Harvard (qui semble avoir compris qu’il fallait changer).
Tahitien (par son père), vietnamien (par sa mère) Christian, que j’ai rencontré à Paris, a le charme des métis lentement éclos au soleil et le dynamisme d’un entrepreneur qui sait déjà très bien ce qu’il veut: changer le monde sans se prendre pour Mère Theresa.

Attirés par ce que Muhammad Yunus entend par « social business » – une entreprise qui ne perd pas d’argent, ne distribue pas de dividendes et dont l’objectif est de résoudre un problème social – ils décident d’aller voir comment ils font en Asie au début 2010.

Sans contacts et sans préparation ils débarquent la bouche en cœur à New Dehli. Première initiative: « une vidéo rigolote suivie d’un tweet » pour s’annoncer. Un blogueur connu les repère et leur permet de bénéficier de son mégaphone. Ils font le tour du sous continent en allant, au rythme de leur inspiration « de rencontre cool en rencontre cool ».

Chacune est l’occasion d’une vidéo sur laquelle leurs interlocuteurs racontent les défis qu’ils ont à résoudre. Ils mettent le tout sur leur blog we.makesense.org, car ils ont eu l’intelligence de mettre les 1000 € gagnés dans un concours de l’école dans l’achat de ce fabuleux nom de domaine.

A leur retour ils lancent un site web qui ne décolle pas jusqu’à ce que « nous nous rendions compte qu’il faut également créer une dynamique hors ligne. C’est le mélange des deux qui avait fait le succès de notre voyage » explique Christian. Ils ont alors commencé à organiser des ateliers: 80 en 2011 et déjà 25 fin janvier 2012. Tout cela grâce à une page Facebook sur laquelle les entrepreneurs sociaux sont invités à exposer leurs « défis »: comment mieux vendre des sacs en papier produits par des femmes indiennes, par exemple.

Mais le style c’est l’entreprise. Le vocabulaire compte. Makesense est une multitude de gangs faits de gangsters. Et les ateliers sont des holdups. « Influence du rap des années quatre-vingt-dix » dit Christian avec un air angélique tout en affirmant sa volonté d’être « décalé » par rapport au langage des grosses boîtes.
La méthode  est rodée et Makesense s’apprête à lancer une application pour l’organisation de holdups. Les demandes d’aide s’inscriront dans trois catégories: business, technologie et design. Ceux qui veulent donner un coup de main auront le choix entre quatre modalités: je peux aider, je connais quelqu’un, je fais passer le message et je crée un hold-up. « Selon le type de défi on lui enverra une certaine méthode: une façon d’organiser une session de brainstorming ou un hackaton s’il s’agit de technologie, par exemple. » Une couche de techniques de jeu fait que « Les gens s’amusent en résolvant des défis sociaux ». Ceux qui aident à l’organisation vont ainsi de DJ dude (mec) à DJ Bouddha.

Inspirée des méthodes de travail open source (Apache et WordPress) leur plateforme est reprise par d’autres initiatives (SenseSchool.org pour l’école par exemple). Le tout repose sur un concept qui hésite à trouver son nom: le gangsourcing (tribesourcing peut-être): l’externalisation à des petits groupes connectés et motivés.

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...