Gratte-ciel organique et villes flottantes : possible ?

Le « gratte ciel organique pour Londres » est un projet d’immeuble qui se nourrit de ses propres déchets et grandit à mesure qu’il en produit. L’idée provient d’un cabinet d’architectes français – Chartier-Corbasson – et vient de remporter une mention spéciale à la compétition des SuperSkyScrapers 2014.

Les résidents produisent eux-mêmes les matériaux qui sont transformés sur place, ce qui en réduit les coûts. S’inspirant des échafaudages en bambou de l’Inde, la construction est entourée, de façon permanente, de tubes verts qui contiennent des mini-turbines à vent, capables de fournir l’électricité nécessaire à la construction.

La difficulté est de commencer. Avec les ordures de qui ? Mais, remarque l’architecte Jetson Green, « les déchets étant un des problèmes les plus répandus dans le monde d’aujourd’hui, l’idée de les réutiliser comme matériau de construction est curieuse et mérite qu’on s’y arrête ». Comme le sont la réintroduction du temps long dans l’architecture, le fait de l’accepter comme évolutive et la transposition, dans la couche des « briques et mortiers », de la version bêta prolongée courante pour les logiciels.

Et pendant que nous sommes dans les projets fous qui valent la peine, jetons un coup d’œil sur la maison flottante futuriste de l’architecte Margot Krasojevic. Elle distingue une structure hélicoïdale ancrée sur les rochers et un intérieur qui monte et descend avec les marées. Une partie de l’énergie de cette maison superbe (cherchez les photos), qui se veut « durable », est produite par des panneaux solaires. L’essentiel provient de deux types de turbines électromagnétiques alimentées par les mouvements de la mer.

Certains vont encore plus loin et se demandent si l’heure des villes flottantes n’est pas venue. Le défi climatique pousse les imaginations. New York envisage de construire des murs pour se protéger. Mais d’autres, remarque le Guardian, « commencent à explorer une solution qui accepte les marées montantes. Que se passerait-il [le fameux What if… à l’origine de toutes les démarches innovantes] si nos villes elles-mêmes prenaient la mer » ?

Koen Olthuis, un architecte néerlandais animateur du WaterStudio, en a une version ambitieuse et, semble-t-il, réaliste. C’est en tous cas ce qu’estime Rachel Keeton de NextCity.org qui l’a longuement interviewé. Les clés de son raisonnement sont simples.

Il faut commencer par penser en termes de quartiers ou, comme il dit, de « villes hybrides ». Une fraction est développée sur l’eau. De l’ordre de 5% au début. De nouvelles dispositions légales sont nécessaires, mais ça libère de l’espace et la connexion avec les infrastructures existantes (électricité, évacuations) sont faciles à établir. Dans 50 ans des villes entières auront adopté le modèle. Olthuis est convaincu qu’on n’a encore creusé « que 10% » de ce qui peut se faire en termes d’architecture flottante.

Deuxième point : construire des maisons flottantes séparées coûte cher car chacune est soumise à ses propres mouvements. « Sur l’eau, plus les projets sont grands plus ils sont stables », explique-t-il. « Les villes flottantes fonctionnent mieux à grande échelle ». Tout le monde peut y gagner. Ça permet de construire de nouveaux logements bien situés. Les autorités étendent leur territoire et créent de nouvelles sources de revenus. Et c’est plein d’opportunités pour les développeurs. Olthuis est convaincu que, « pour faire une différence », il faut « un système avec un modèle d’affaire solide ».

« Nous construisons des villes statiques pour des populations dynamiques » constate-t-il. « L’eau nous donne trois choses : elle ajoute de l’espace (dans les vieux ports, les rivières et les lacs », elle est plus sûre (contre les tempêtes et la montée du niveau des mers) et elle est flexible », ou en tous cas, permet de l’être. Et cette vision peut être appliquée dans les pays en voie de développement comme le montre le projet de communauté conçu par l’architecte Kunlé Adeyemi pour le bidonville flottant de Makoko à Lagos au Nigeria.

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Crédit photo : CC/Flickr/epSos .de

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...