Quand il voit « salida » dans un pays qui parle espagnol, Otavio Good pense à « salade » plutôt qu’à « sortie ». Pour éviter le genre d’embarras qui peut en découler ce geek intégral de Mountain View a inventé WordLens, une app qui traduit de façon instantanée les textes pris à la volée par votre téléphone sur les panneaux de signalisation comme sur les menus.

Elle traduit pour le moment l’anglais, le français et l’espagnol. L’allemand, l’italien et le portugais sont pour bientôt. Le chinois et l’arabe pour plus tard. Conçu pour les touristes, l’app ne requiert aucune connexion (le roaming coûterait une fortune) et fonctionne sur la base de dictionnaire préalablement téléchargés. Née sur iPhone elle sera bientôt disponible sur Android.

C’est tellement rapide qu’on dirait de la magie comme l’a justement souligné le présentateur Daniel Glazman. Impressionnante et utile, son application a été sélectionnée parmi les 10 meilleures de l’année dans le monde entier et présentée au Forum Nexplorateur qui vient de se tenir les 15 et 16 mars au Palais de l’UNESCO a Paris.

Énervé par les questions des gens (à commencer par les journalistes) qui lui demandent quand l’idée de son application lui est venue, Good a décidé de parler au contraire du processus d’innovation. « Il n’y a pas de moment « ahah » (traduction populaire américaine de ce que d’autres appellent Eureka), » dit-il. Donc pas d’histoire à raconter, ce qui est bien dommage. Il est en cela d’accord avec Steven Johnson qu’il m’a affirmé n’avoir pas lu.

Good distingue six conditions nécessaires à la création de « logiciels innovants » :

  • Compétence : lui-même programme depuis qu’il a sept ans et il a étudié l’infographie.
  • Adoption des technologies dès qu’elles apparaissent : on critique beaucoup les early adopters mais, « si vous voulez avoir une chance de montrer le chemin (lead in the field) » il faut être ouvert à ce qu’il y a de nouveau et l’essayer. « Cela vaut, » ajoute-t-il, « pour les communautés ». Je crois qu’il pensait aux entreprises, peut-être même aux pays.
  • Recours à la communauté : il n’a aucun doute sur le fait que ce qu’on gagne en s’ouvrant à ses amis, à ses collègues est bien plus important que les risques qu’on prend de se faire voler l’idée. Sans doute parce que c’est un processus lent et complexe.
  • Expérimentation : « Commencez à faire et vous commencerez à voir les vrais problèmes (issues) ». Lui-même dit se lancer dans une nouvelle idée de logiciel tous les 15 jours… depuis cinq ans. « Je les termine rarement » précise-t-il. « Mais c’est une bonne chose. Ça me permet de trouver ce qui a un sens et ce qui n’en a pas. »
  • Prise de risques : « on sous-estime la valeur du risque » estime Otavio. Le premier pour lui a consisté à se lancer « dans un projet de recherche qui a duré deux ans sans que je sache où j’allais. » Il n’y avait pas d’appareils capables de faire ce que j’avais en tête au moment où je me suis lancé. Il n’y avait pas de marché : à peine 2 millions d’iPhones. »
  • Travail acharné – qui, au grand dam des journalistes ne fait pas une très bonne histoire : « on a un bug, on debugge. On a un bug. On debugge. Le travail acharné est une partie du processus d’innovation dont on néglige trop souvent l’importance. »

Conclusion à la Shakespeare: there is method in his magic.

En matière d’innovation, la magie ne s’applique qu’au résultat, et pas toujours. Tout ce qui y conduit tient d’une méthode rigoureuse.

Libre à nous de ne pas y voir une bonne nouvelle, mais ne me dites pas que ça n’est pas une bonne recette…

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J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...