Article publié dans le supplément Science et Techno du Monde du 1er octobre 2011Mexico DF – Aucun des Mexicains avec lesquels j’ai pu m’entretenir ne semble considérer que son pays connaît un climat d’innovation dynamique. J’entends par « climat d’innovation » les conditions qui poussent à innover et à créer des entreprises, à lancer des initiatives susceptibles de changer la société et, pourquoi pas, le monde.Tout ceci est, bien entendu assorti de nuances, mais le plus curieux est que les raisons ne semblent pas évidentes. Ils hésitent tous avant de répondre, de donner la leur, comme si l’évidence du diagnostic, il n’y avait pas d’accord sur les pistes à suivre pour remédier à cette carence.Ancienne élève du Massachussets Institute of Technology où elle a travaillé au fameux Media Lab, notamment sur le projet pilote One Laptop Per Child (un ordinateur par enfant – one.laptop.org) Carla Gómez Monroy se consacre à un projet « social »: les Agents 360. Des jeunes qui, sur un modèle développé par la Banque Interaméricaine de Développement, détectent les problèmes de leur communauté, proposent une solution, la mettent en oeuvre et racontent toute l’histoire en vidéo et sur le web.Elle se plaint du système éducatif qui n’encourage pas la création d’entreprises et pousse les gens à chercher un travail sûr dans une grande boîte à la sortie de l’école ou de l’Université. « Seul un petit nombre d’entre elles a un budget de recherche », estime-t-elle. Pire, « Telmex [la compagnie de téléphone dominante, propriété de Carlos Slim, l’homme le plus riche du monde] finance des projets de recherche au MIT mais pas au Mexique ». Elle constate que les petites sociétés qui se lancent ont bien du mal à trouver de l’argent.Cela ne veut pas dire que les Mexicains manquent de la créativité sans laquelle il n’y a pas d’innovations. Carla est fascinée par la multiplication des inventions individuelles qu’elle découvre à presque tous les coins de rue. Des trouvailles « qui n’ont rien d’extraordinaire mais résolvent des problèmes concrets ». Qu’il s’agisse du gamin qui s’est bricolé un vrai système stéréo pour faire écouter ses CD à la sortie du métro et les vendre, aux dispositifs pour recueillir la pluie dans les villages qui manquent d’eau ou à l’introduction de panneaux solaires « une technologie relativement courante en Inde mais une innovation pour le Mexique ».Même Ricardo Suarez, fondateur de Yumbling.com, une entreprise qui entend devenir « une référence dans le domaine du divertissement  » (voir le billet de lundi sur Winch5, mon blog sur LeMonde.fr) parle de sérieuses difficultés.Il a trouvé l’argent qu’il fallait (notamment auprès du gouvernement fédéral) pour développer la plateforme nécessaire au lancement de sa boîte (près d’un an de travail) mais pour croître, la phase dans laquelle il se trouve maintenant, le panorama se complique. »Il y a de l’argent au Mexique, » m’at-t-il confié dans un café de cette capitale, « mais il s’investit dans des industries plus traditionnelles, dans des entreprises qui gagnent de l’argent. » Tout le contraire de ce qu’il faut à une start-up dans le secteur des technologies de l’information et de la communication.Les développeurs qui en veulent sont nombreux au Mexique, mais ils sont encore très minoritaires, même au sein de leur génération. Le gouvernement commence à faire des efforts, mais les gens qui ont de l’argent ont l’habitude de le mettre ailleurs. Ils fuient les risques.Je crois qu’on peut toujours voir l’introduction des innovations dans un pays comme un archipel dynamique dont les îles se multiplient plus ou moins vite dans une mer d’indifférence et/ou d’incompréhension. Il existe au Mexique, mais les îles sont encore peu nombreuses et mal connectées. Espérons qu’il ne faudra pas attendre toute une génération pour que l’archipel en question prospère. 

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...