Pour la société civile, la question de l’accès (ou du non accès) à l’internet et aux technologies de l’information et de la communication (TIC) ne se pose déjà plus de la même façon qu’il y a deux ou trois ans. « Les réseaux électroniques sont devenus une plateforme d’opération pour une grande partie de la société civile » dit un rapport publié en novembre par le Conseil pour la recherche en sciences sociales (SSRC en anglais), organisme indépendant basé à New York. Et pour les organisations en question, l’accès aux réseaux « ne constitue pas ou ne constituera plus pour longtemps un problème sérieux de communication. »

San Fracisco, Californie, 19.déc.03

L’observation est audacieuse dans la mesure où elle relativise « le fossé numérique ». Si l’on en croît une phrase (reprise dans le rapport) de Sarai Waag Exchange, un programme de collaboration entre pays du sud est asiatique et d’Europe pour la recherche sur les médias « l’image de ‘fossé numérique’ est une description trop passive de la commotion causée par la prolifération des nouvelles technologies à l’échelle de la planète ».

Il est rare que le sujet soit abordé en ces termes par les acteurs de la société civile eux-mêmes. On n’en parle que rarement dans la Silicon Valley où la foi dans les technologies n’est pas altérée par la crise de ces dernières années. Et quand on pose spécifiquement la question on obtient des réponses du genre de celle que nous a donné J.C. Hertz (qui vient de New York) à l’issue d’une conférence sur la connectivité globale à l’Université de Stanford. « L’accès… est, et n’est pas, un problème, » nous a-t-elle déclaré.

Trois facteurs jouent un rôle clé dans ce changement de panorama. « Les gens n’ont pas besoin d’avoir un ordinateur, » nous a dit Hertz, « et le déploiement de la téléphonie mobile le confirme ».

En second lieu, la technologie sans fil (WiFi en particulier) permet de réduire les coûts d’installation. Pour John Arquilla, professeur associé de stratégie au Collège Naval de Monterey en Californie: « Il est maintenant possible de penser en termes d’accès global sans fil aux télécommunications. Cela va réduire la complexité technologique et le coût pour connecter la société civile dans le monde entier. »

Le troisième facteur, souvent ignoré, est celui des cybercafés. Ils l’ont été par les autorités mexicaines par exemple alors même que ce pays en compte plus de 6.000 d’après ce que nous a déclaré le professeur Scott Robinson de l’Université Métropolitaine.

Ces développements comptent mais « En fait la question de l’accès est loin d’être réglée, » nous a déclaré John Arquilla par courriel. « De très larges portions de la population mondiale soit non pas encore le moindre accès, soient jouissent d’un accès très limité. Et il y a de très grands fossés même dans les pays les plus développés. » Même J.C. Hertz reconnaît la difficulté quand elle nous dit: « il y aura toujours un problème de l’accès, mais il est de moins en moins important ». C’est pourquoi, sans doute il faut aller plus loin. Face à ceux qui disent qu’il perd en importance, se dressent ceux qui disent qu’il se déplace.

Pour Arquilla, même si la question de l’accès était réglée, « le problème technologique le plus sérieux auquel les organisations de la société civile doivent faire face est celui de leur incapacité à se doter de leur propre infrastructure de communications ». C’est important dans la mesure où « les états continueront probablement à exercer certaines formes de contrôle au moyen de la régulation ».

Pour Arquilla, « la révolution de l’information tend à donner du pouvoir aux petits groupes et aux individus face aux États-nations » qui réagissent en mettant en place des moyens de contrôle politiques ou règlementaires. « Toute limitation à l’inclusion entraîne la réduction de l’influence de la société civile dans ses interactions avec les intérêts des États et des grandes corporations » ajoute-t-il.

La question de l’accès se posera toujours. Mais il y a maintenant assez de gens avec accès pour qu’émerge un nouveau problème, celui de l’utilisation qu’on en fait, ou comme le disent les auteurs du rapport de SSRC, celui de « l’appropriation » qu’ils définissent ainsi « la capacité d’utiliser les réseaux technologiques de façon stratégique, politique, créatrice, » avant de préciser qu’il figure « parmi les plus pressants de ceux auxquels la société civile doit faire face ».

A suivre.

Rapport du SSRC

Sarai Waag Exchange

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...