Je devrais gambader en ce moment à Istanbul sur le chemin de Beyrouth… dans le cadre de mon tour du monde de l’innovation et des médias sociaux.
Je n’ai pas encore commencé à préparer mon prochain voyage mais je me demande déjà où aller fin janvier/début février qui ne soit ni trop loin, à cause de mon tendon d’Achille qui sera encore fragile, ni trop froid pour la simple raison qu’en dessous de 10 degrés je suis vite malheureux. Coincé, je rêve déjà à de nouveaux voyages. C’est à la fois ce qui me fait souvent déconner ou mal m’organiser et ce qui me pousse à continuer à me bouger.
Heureusement j’ai l’impression de n’avoir jamais été aussi zen. J’ai toujours considéré que pour voyager bien il faut être capable de supporter n’importe quel contretemps. Avec le sourire.
Par exemple quand il m’ont mis la nuit du 7 au 8 octobre dans la tôle (ils appellent ça « hôtel » mais il y a des cadenas aux fenêtres) de l’aéroport d’Abidjan, la seule chose que j’ai essayé d’obtenir, en attendant de voir si mes amis parvenaient à me faire sortir, c’était de passer directement à l’étape suivante, c’est-à-dire Accra, plutôt que de revenir sur mes pas comme le veut la logique du refoulement dans laquelle m’enfermait le flic de migration. Question de principe. Quand on voyage, on avance. C’est bien là que surgit le premier plaisir. Et revenir en arrière a très vite un goût d’échec.
Je ne me suis pourtant pas plaint. Ça ne servait à rien et j’étais plutôt d’accord avec le fait que des Ivoiriens mettent en tôle un Français qui n’avait pas de visa puisque mes compatriotes ne se gênent pas pour en faire autant avec les leurs à longueur de journée.
Ce que je raconte – le fait de garder son calme face aux inéluctables obstacles du voyage ou de la vie – n’est en fait que la moitié de l’équation, la plus importante peut-être, mais comme toutes les moitiés, elle ne vaut que si l’autre est présente et l’autre, c’est la capacité de foncer. J’ai découvert ça avec mon pote Augustin quand nous sommes allés en Inde en 1965 et avons décidé d’en revenir en stop… ou presque.
Nous n’étions jamais sur le pont tous les deux en même temps. Ça permet de tenir très longtemps. Quand il fallait se battre, avec les autorités du poste frontière de Koweït, par exemple, qui ne voulait pas nous laisser rentrer parce que nous n’étions pas arabes, l’un s’en chargeait pendant que l’autre bouquinait à l’ombre (dans le meilleur des cas). À tour de rôle. C’est même une fois où ma nonchalance est allée un peu trop loin.
4h du matin. Je me souviens encore du robinet d’eau froide auquel rien ne pouvait m’empêcher de me désaltérer – il fait très chaud même la nuit dans ces pays là – alors qu’Augustin me tirait par la chemise pour me faire sortir au plus vite sous le prétexte que l’hôtel était en feu et que tous les autres clients l’avaient déjà abandonné. « Laisse moi boire un coup d’abord » ai-je répondu… First thing’s first, n’est-ce pas.
Quelques minutes plus tard, alors que de la rue nous voyions les flammes sortir par les fenêtres, j’ai du admettre qu’il n’avait pas vraiment tort de vouloir se dépêcher. Au moins avais-je conservé mon calme. Il a mis ça sur le compte du sommeil. Et c’est moi qui dans la journée ai recommencé à foncer pour les deux. Nous ne pouvions pas manquer notre coup puisque nous y étions pour tirer parti d’un des grands attraits de Koweït pour les hippies de l’époque: le fait qu’ils achetaient le sang, pour 30 dollars je me rappelle. Ce sur quoi nous comptions pour finir notre périple et rentrer en Europe. Au terme d’un long voyage: avion jusqu’à Mumbai que nous appelions encore Bombay, puis train dans le nord de l’Inde. Saut de puce par dessus le Pakistan en guerre. Kaboul, puis bus et tous types de véhicules terrestres jusqu’à Beyrouth d’où nous avons pris le bateau.
Ce calme nous avions commencé à le pratiquer quelques semaines plus tôt dans le poste frontière sur la route entre Hérat et Mashad entre l’Afghanistan et l’Iran quand, coincés du fait de l’absence de fonctionnaire de l’un des deux côtés (je ne me souviens plus lequel), nous avions du passer plusieurs jours d’attente avec comme seul passe temps deux britanniques un peu jetés et des réserves inépuisables de hash dont je fis alors la découverte. Ça aide à rester cool
Aujourd’hui, sans ce recours, l’attente est de 10 semaines. Interminables malgré le web. Mais je suis bien décidé à repartir sur la route de Winch5. Car, en fait, ces deux premières étapes qu’ont été Mexico et la partie d’Afrique que j’ai sillonnée ont renforcé ce qui n’était au départ qu’une intuition: l’innovation et le changement viennent de partout. J’ai été surpris par la qualité et la vitalité de ce que j’ai découvert. Il me reste maintenant à approfondir pour mieux comprendre, et pour cela m’interroger aussi sur ce qui m’a conduit à entreprendre cette aventure et donne le ton de ce que j’y trouve.
[Crédit photo : Japan-guide.com, modifié avec Instagram]