Les grandes villes manquent de verdure et d’espaces dédiés à la végétation. Je voudrais parler cette semaine de différentes façons de « verdir » une ville.
Mon premier exemple vient de Milan, une des villes les plus polluées d’Europe qui est sur le point de se doter de deux tours couvertes d’arbres dans le cadre du projet appelé « Bosco verticale » ou forêt verticale.
Les tours sont de 119 mètres et 87 mètres respectivement, et elles hébergeront environ 800 arbres de 2 à 6 mètres de haut, 5.000 arbustes et une dizaine de milliers de plantes en tous genres. Elles sont sensées atténuer le bruit, filtrer certaines particules, fournir de l’oxygène et modérer les températures aussi bien estivales qu’hivernales.
En bref, il s’agit d’une vraie forêt de près de 10 km2 sise sur balcons et terrasses.
Testés dans des souffleries, les arbres sont plantés dans des caissons spécialement conçus pour éviter les fuites, s’assurer qu’ils ne seront pas emportés par le vent et pour que les racines n’endommagent pas les constructions.
Le coût des appartements est de 5% plus élevé que pour des appartements comparables, mais sans « vert ». Je conseille à nos auditeurs d’essayer de voir des photos, elles sont impressionnantes.
De la forêt à l’agriculture
Singapour, qui ne produit que 7% de la nourriture qu’elle consomme, se lance dans l’agriculture verticale. La technologie – conçue par la compagnie SkyGreens – repose sur des tours en alu de 9 mètres de haut bardées de 38 rangées de bacs dans lesquels sont cultivés des légumes.
Les roues qui les font tourner régulièrement – pour que chacun soit exposé à la même lumière et au même air – utilisent la gravité pour consommer le moins d’énergie possible, et les eaux sont recyclées.
Selon Jack Ng, le fondateur de Sky Greens, 60 watts, soit l’équivalent d’une lampe électrique classique, suffisent pour faire fonctionner le système qu’il dit être entre 5 et 10 fois plus productif que les fermes traditionnelles.
Cent vingt tours de ce type – qui occupent chacune une surface d’un peu moins de 6m2, soit la taille d’une salle de bain – ont déjà été installées. L’objectif est d’en monter 2000 et de faire passer de 7% à 10% la production locale de nourriture.
Les légumes vendus sont 10% plus chers que les autres mais s’arrachent car « ils sont plus frais ». Les prix pourraient baisser à mesure que la production augmente.
Ces deux initiatives privées suffisent-elles pour verdir une ville?
Les entreprises privées engagées dans cette lutte ne sont guère nombreuses, pas plus que les municipalités vraiment actives. Il est bon que les citoyens veillent et mettent leur grain de sel… ou de verdure. Ce que fait la petite équipe du Beirut Green Project à Beyrouth pour les espaces publics.
Tout a commencé en juin 2010 par une forme de protestation presque ridicule : l’installation à 4h30 du matin de la Journée de l’environnement de 9 « espaces verts » dans les zones les plus grises de la ville. Attention : chacun d’entre eux n’était qu’un morceau de gazon d’1m².
« Nous voulions une action ironique » m’a expliquée Dima Boulad, une des animatrices du projet que j’ai rencontrée à Beyrouth en février 2012. Chaque « pelouse » était surmontée d’une pancarte invitant les passants à « Jouir de votre espace vert ». « Certains passants caressaient l’herbe en disant : ‘C’est vrai on n’en a pas assez’, », m’a raconté Dima.
L’équipe a ensuite occupé 270m2 en se faisant prêter la pelouse par l’ONG Greenline et en convoquant ses sympathisants sur Facebook : 1000 personnes avaient promis de venir, 600 ont participé à la fête avec musique et pique-nique, 400 ont signé la pétition demandant plus d’espaces verts.
Joseph Khorost, un des animateurs, m’a expliqué qu’ils “utilisent les réseaux sociaux pour regrouper les gens » mais qu’ils agissent « sur le terrain”.
Ces actions datent déjà mais le groupe est toujours bien actif. Le 20 septembre de cette année ils ont participé au « Parking day » international. Une opération consiste à transformer en mini jardins, pour un jour (et quelques fois plus), des espaces réservés au parking des voitures.
Leur dernière action en date est la publication d’un Guide vert de Beyrouth, une carte interactive des espaces verts de la ville et des services qu’on y trouve. “C’est le premier pas pour les améliorer », m’a écrit Dima.
Je ne sais pas ce qu’en penseront les auditeurs mais j’ai bien aimé ces trois actions très concrètes pour « verdir » littéralement trois villes très différentes. En tous cas pour y contribuer sans attendre…
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Crédit photo : CC/ Michael Caven