La « science citoyenne » existe-t-elle? C’est une des questions transversales que semblent se poser des scientifiques appartenant à des disciplines différentes. J’en ai trouvé la trace avec surprise dans plusieurs des discussions qui se sont tenues au Googleplex dans le cadre du SciFoo organisé par Tim O’Reilly et la revue nature le week-end dernier (voir ce billet ). Il y a même un site pour cela.
Ça commence par un souci d’éducation. Alors que les très jeunes se comportent face au monde qu’ils découvrent comme des chercheurs en testant toutes les solutions possibles, chez les un peu moins jeunes « la science cesse vite d’être cool ». La motivation s’évapore. Les médias, bien sûr, n’aident guère. « Ils étouffent la curiosité » estime Rusty Bromley , chief operating officer de la Myelin Repair Foundation qui se consacre à la recherche de traitements pour guérir la sclérose en plaques. « Ils n’encouragent pas les gens à poser des questions. Ils disent ‘faites moi confiance' ».
Mais la difficulté est plus profonde selon Luciano Floridi, philosophe de l’information , qui a fait remarquer que « la plupart des gens ne ‘parlent pas mathématiques’. Or, sans les mathématiques on ne va pas très loin ». Certes, certes, et pourtant, un professeur du M.I.T dont je n’ai pas pu lire le nom a remarqué que » Les groupes d’entraides pour certaines maladies regardent avec condescendance les médecins qui « après tout ne sont que des généralistes » et en savent moins qu’eux sur le mal qui les affectent.
PeerToPatent est une expérience concrète qui fait participer le public aux recherches préalables à l’attribution des brevets (patents). Selon Beth Noveck , une des animatrices du projet, les responsables gouvernementaux de l’attribution des brevets n’ont qu’une vingtaine d’heure à consacrer à chacun et pas le droit d’utiliser l’internet pour essayer d’en savoir plus.
Son association se consacre donc à réunir des gens capables de discuter les demandes, trouver les documents pertinents, les annoter et les remettre à l’autorité compétente pour qu’elle décide en connaissance de cause.
Mieux informer le public et le faire participer à certains débats ou processus conduisant à des prises de décision par les autorités est de plus en plus admis. Mais il est difficile d’aller plus loin. Nous sommes victimes d’une prétendue contradiction entre démocratie et expertise. « Non pas que je les crois nécessairement incompatibles, »m’a précisé Noveck, « mais les gens tendent à le croire ». Le monde serait trop complexe pour être géré démocratiquement. Dangereux.
Mais ça n’est pas qu’une question d’expertise. Au cœur de cette problématique on trouve la difficulté à gérer de vraies discussions contradictoires. C’est pour ça qu’Éric Drexler , apôtre de la nanotechnologie, a demandé au cours d’un débat sur le choix collaboratif des orientations politiques la création d’un logiciel « qui soit aussi bon pour représenter les controverses que peut l’être Wikipedia pour représenter les faits ».
En voila un défi intéressant.
Non?
[MaJ – Vous pouvez trouver les 6 billets de cette série sur SciFoo07 en cliquant ici ]