En matière d’innovation, il y a d’abord les lignes droites… qui sont trompeuses, voir paradoxales. Les suivre dans le sens que recommande la logique est rarement une bonne piste.

Créer une direction de l’innovation semble faire partie des décisions raisonnables. Elle conduit trop souvent à lui laisser la responsabilité d’une attitude qui devrait régner dans toute l’entreprise. Plus grave, ça n’est pas essentiellement, pas seulement, une affaire d’invention, c’est à dire de technologie. Cela concerne ou devrait concerner tout autant le marketing ou le modèle de revenus. Tout le monde et tous les secteurs.

Le plus provocateur est sans doute le fait qu’il faut tolérer l’échec, voire l’encourager. C’est là que réside l’avantage compétitif le plus difficile à copier de Silicon Valley, la caractéristique la plus originale, la plus propre de sa culture. Tout le monde peut s’en inspirer pourtant en participant à une FailCon (pour TheFailureConference) et se « préparer au succès » en partageant ses erreurs avec d’autres. Il commence à y en avoir un peu partout dans le monde.

Grey Advertising de New York va plus loin et décerne à l’un ou l’une de ses employés un « heroic failure award » un prix de l’échec héroïque. Qui n’échoue pas n’a pas tenté d’aller assez loin.

On m’a même rapporté une anecdote invérifiable mais bien trouvée, celle d’un brillant produit de nos grandes écoles, major ou dans la botte de plusieurs d’entre elles qui, cherchant un travail aux États-Unis, se serait vu renvoyer à ses dossiers confortables parce que, n’ayant jamais échoué, il avait encore beaucoup apprendre du monde réel, de celui de l’entreprise.

Et puis il y a les tangentes. La première est la notion de serendipité : un peu comme le veau Marengo, un nombre incommensurable d’innovation sont le fruit du hasard ou des circonstances. Autant dire qu’on les trouve par accident ou en cherchant autre chose. Trop peu de gens connaissent la notion en France. Nous en sommes encore au cartésianisme de base et ce genre de process nous est impensable.

La seconde est fournie par un délicieux économiste britannique du nom de John Kay pour qui l’obliquité est une valeur économique de premier plan. Les chemins indirects voir détournés sont souvent les meilleurs. Les entreprises les plus motivées par le profit ne sont pas nécessairement les plus profitables. Les individus les plus obsédés par le bonheur ne sont pas forcément les plus heureux.

Tout ceci parce que nous vivons dans un monde complexe et plein d’incertitudes dans lequel ce qui semble clair peut être une illusion, éventuellement dangereuse. Les instructions longuement pensées ne donnent que rarement les résultats voulus. Flexibilité et détours sont préférables.

A mi-chemin entre le paradoxe et la tangente se trouve la notion de résilience. Plutôt que de lutter pour éviter une catastrophe à tout prix ou se protéger contre toutes les éventualités – ce qui est souvent illusoire comme dans le cas des cyclones -, il est préférable de se préparer à redémarrer dès que possible après le déluge. Une notion clé pour les entreprises et en particulier pour l’innovation.

Celle-ci dépend en bonne partie de tests et d’expériences pour lesquelles ont doit engager des ressources. Plutôt que de ne pas s’y lancer, comme le conseil la prudence, la meilleure solution semble d’y aller avec conviction. Ce que l’on fait d’autant plus facilement que l’on est prêt à redémarrer en cas d’échec. Accenture vient de nous montrer que « la peur du risque est une stratégie périlleuse ».

Fondateur de General Electrics, inventeur de l’ampoule électrique, détenteur de 1093 brevets, Thomas Edison a dit un jour de ses tâtonnements : « Je n’ai pas échoué, j’ai trouvé 10.000 solutions qui ne marchaient pas. » Une bonne phrase à avoir en tête pour repartir d’un bon pied quand on s’est mis dans un trou noir.

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...