Après ton tour du monde de l’innovation tu t’intéresses maintenant aux villes intelligentes et tu es à New York. Raconte.

Je suis venu à New York pour assister, la semaine dernière, à une journée spéciale organisée par TED – l’organisateur de ces fabuleuses conférences sur le design, les loisirs et la technologies dont nous avons déjà souvent recommandé les vidéos.

De fait TED s’intéresse aux villes et vient de lancer une opération majeure pour nous aider à mieux comprendre leur importance.

  • Premier point frappant, le TEDCity2.0 Day s’est tenu en même temps que 139 sessions de TEDx – des réunions organisées sur initiative locale qui suivaient les débats un peu partout dans le monde.

Un site – TheCity2.org — ouvert à cette occasion — se présente comme « un lieu de rencontre des citoyens des villes pour partager des innovations et inspirer des actions ». Il s’agit donc d’une entreprise d’envergure

Voilà une idée intéressante. Que dit-il ?

Sa thèse est assez simple : Les problèmes d’aujourd’hui – écologie, pandémies ou terrorisme – ignorent les frontières et reposent sur l’interdépendance alors que nos institutions, forgées aux XVIIème siècle reposent encore sur la souveraineté.

Pour sortir de l’impasse, il suggère « d’arrêter de parler des nations et de commencer à parler des villes ».

La grande différence est que, loin des discours abstraits des présidents et premiers ministres, les maires ont à résoudre quotidiennement des problèmes concrets. En s’appuyant là-dessus il les presse de se mêler de gouvernance globale « avec les citoyens qu’ils représentent ».

A la conférence qui s’est tenue à New York, Kassim Reed, maire d’Atlanta lui a fait écho en affirmant « qu’on peut changer les choses plus vite si on les aborde au niveau de la ville ».

Je me permets seulement d’ajouter que si les maires commencent à se mêler de gouvernance globale ils risquent de passer du concret à l’abstrait. Mais il y a peut-être là quelque chose à inventer, notamment au niveau des citoyens.

C’est d’ailleurs ce que pense l’auteur Eric Liu qui, lors de la conférence, a expliqué qu’il fallait nous « alphabétiser » sur les mécanismes du pouvoir. Il a même créé une Université citoyenne pour cela.

Il est lui aussi convaincu que les décisions qui comptent se jouent au niveau de la ville mais, contre « l’esprit de clocher », il se propose d’en faire un « réseau d’espaces connectés ».

Un point repris par Chris Anderson, l’organisateur des conférences TED, pour qui l’idée de sa nouvelle initiative sur les villes est précisément « qu’elles puissent s’inspirer mutuellement ».

Tout cela me semble un peu abstrait pour une conférence TED…?

Tu as raison, je me laisse entraîner par ce qui m’a surpris et la plupart des intervenants avaient de belles histoires à raconter.

  • Fabuleux conteur, l’architecte Francis Kéré (formé à Berlin) est né dans un petit village du Burkina Faso dans lequel il est retourné pour aider les siens à construire eux-mêmes écoles et autres bâtiments publics.
  • Alan Ricks anime un projet ouvert (crowdsourced) de constructions d’immeubles « verts et beaux » dont l’exemple le plus frappant est un hôpital du Rwanda un pays dans lequel, quand il est arrivé, « il n’y avait même pas de mot pour ‘architecte’ ». Son équipe est parvenue à montrer que « la beauté n’est pas nécessairement pour les autres ». Ces deux projets étaient à la fois beaux, impressionnants et émouvants

La partie la plus concrète concernait la reconquête des rues sur les voitures pour les livrer aux bicyclettes mais surtout aux piétons. Janet Sadik-Khan, responsable des transports de New York a expliqué comment la municipalité sortante a transformé 10ha de chaussées en places pour piétons. Elle a ainsi lancé un projet pilote pour limiter la circulation sur Times Square.

Tout ça piloté avec du big data. Ainsi dans les zones reprises aux voitures les ventes des commerçants ont augmenté de 49%. Un excellent argument pour continuer. Je dois dire qu’en me promenant dans les rues de la ville j’ai été impressionné par la transformation

Mais revenons à la conférence. Jeff Speck, auteur d’un livre plaidoyer intitulé « The Walkable City » – la ville dans laquelle on peut marcher – défend lui aussi sa thèse avec chiffres et graphiques. L’argent dépensé en essence quitte le lieu où elle est utilisée alors que pistes cyclables et passages piétonniers se traduisent en dépensent locales. Les chiffres sur l’obésité, endémique aux États Unis correspondent aux endroits où les gens utilisent le plus la voiture.

Qu’as-tu conclu de tout ça ?

Deux grandes idées toutes simples au début de ma recherche sur les villes intelligentes :

  • La première est qu’il n’en a pas été une seule fois question au cours de la conférence… pas un mot sur les smart cities ce qui fait réfléchir sur leur impact réel aujourd’hui et la nécessité – pour moi – de commencer par un effort de compréhension de cette réalité millénaire qu’est la ville.
  • La seconde est que – intelligente ou pas – la ville apparaît comme le niveau où les problèmes se résolvent aujourd’hui. Même ceux de l’environnement. Plus la densité de population est forte, moins on émet de CO2 par habitant. Convenablement équipées et organisées, les villes semblent une meilleure réponse que les panneaux solaires ou l’énergie éolienne. Pas incompatible mais plus efficace.

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J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...